samedi 4 août 2007

World Trip # 5: Malawi (Part IV)

Elucubrations d’une Mzungu à Mzuzu...

Un mois de passé et toujours pas de photos sur le blog… Tout d’abord, impossible de trouver un endroit pour ne serait-ce que transférer mes photos sur CD, mais aussi et surtout, les photos c’est toute une histoire en soi…

Il y a pour commencer les gens qui par pudeur ou timidité refusent de se faire photographier (et c’est bien évidemment à respecter), ceux qui au contraire insistent pour poser, (mais qui dés lors tuent tout le naturel et donc tout l’intérêt), les enfants pour qui c’est un véritable jeu, qui vous sautent dessus et se battent entre eux pour être aux avant-postes face à l’objectif… (impossible donc de prendre le recul nécessaire; on finit au mieux par photographier un nez et un morceau d’oreille), il y a ceux qui voient dans le fait de se faire photographier une aubaine pour soutirer de l’argent (et sur ce point, il ne faut pas se méprendre, bien souvent ils pensent (surtout si vous shootez avec un appareil un peu sophistiqué) que vous allez revendre la photo à des magazines, et veulent donc, et c’est quelque part normal, la part du gain), et pour finir, ceux qui détestent qu’on photographie l’Afrique comme on photographierait un zoo, et c’est un point de vue à tenter de comprendre davantage…



Quand je vais avec Puncque dans les villages plus reculés, lui- même qui pourtant connaît mes intentions, déteste me voir sortir mon appareil. Il m’explique que le point de vue de pas mal de locaux est que l’Occidental adore photographier la misère et le petit Africain nécessiteux devant sa hutte, qu’on ne montre que l’Afrique sous l’angle négatif de sa grande pauvreté, que l’Afrique c’est bien plus que ça (même s’il y a, il faut l’admettre, beaucoup de ça)… et je ne peux que lui donner raison… Tout est finalement dans l’interprétation des intentions de part et d’autre…

Du coup mon appareil reste de plus en plus souvent rangé dans le fond de ma tente.


L’humilité, la tolérance et la compréhension sont des choses que le voyage apprend, et sont sans exception d’application ici (avec en Afrique une belle part aussi à la patience ! ;-))

Discuter avec Puncque et ses amis est à la fois enrichissant et surprenant (les deux vont assez souvent de pair…) : beaucoup d’entre eux, Puncque en tête, ont eu leur période Black Panthers (heureusement pour moi révolue !J), s’abreuvant des textes de Malcom X, et haïssant le blanc venu coloniser et christianiser de force leur pays. Néanmoins, à part Puncque qui est un bouddhiste qui s’ignore, qui croie certes en un quelque chose de supérieur, mais qui crache sur l’Eglise, ils sont tous restés profondément chrétiens. Et moi, je m’étonne de les voir en transe chanter leurs gospels à la gloire de Jésus, vénérant des icônes d’hommes blancs, et un christianisme qui réfutait il n’y a pas si longtemps que le Noir ait une âme… L’Eglise leur a en tous cas appris le pardon…

Les Malawiens que je rencontre ont tous énormément de fierté et de dignité, et ce n’est certainement pas moi qui les blâmerais pour ça…

Quand j’évoque les causes et conséquences de la pauvreté en Afrique avec Puncque, il me rétorque : « vos gouvernement occidentaux ont tous les culots, vous êtes venus voler nos hommes pour en faire des esclaves, vous nous avez colonisés pour développer vos économies, vous nous volez notre or et nos diamants, vous installez vos sociétés pétrolières pour empocher le pactole de notre pétrole, vous contrôlez à votre guise le prix des matières premières qui sont les principales sources de revenus de notre continent, vous polluez tellement que vous réchauffez la planète faisant des gens qui vivent directement de la terre les premières victimes… et quand on parle de la dette du tiers monde, vous osez encore parler de notre dette, et vous nous faites ramper à vos pieds tels des mendiants pour des annulations ou des facilités de paiements… Qui doit réellement quoi à qui ? »

Impossible pour moi de répondre autrement que par un silence approbateur et honteux…

Lui et ses amis ne pas non plus des plus cléments envers le secteur humanitaire qu’ils considèrent comme un business occidental, voire une nouvelle forme de colonisation, et s’interrogent sur les raisons qui font que ce sont les Blancs qui viennent travailler, plutôt que de subventionner des locaux qui pourraient opérer de façon tout aussi efficace et durable. De leurs points de vue, dans les endroits où les ONG’s sont très présentes, on transforme les gens en mendiants, leur apprenant à quémander leurs nourriture et/ou médicaments au lieu de leur inculquer à se débrouiller seul…

Ce sont, il est vrai, des visions très tranchées et amères de la réalité, mais il y a une part plus ou moins importante de vérité…

Bien sûr, on s’accorde tous deux sur le fait que 99% des coopérants sont armés d’une volonté à toutes épreuves et de bonnes intentions, mais c’est tout le système et les politiques qui l’entourent qui semblent ne pas tourner complètement rond…


Les chanceux comme moi qui sont déjà venus en Afrique se rendent vite compte qu’on a fait de ce continent notre grand marché d’occasion ; on leur revend toutes les vielles choses dont on ne veut plus chez nous : voitures désarticulées, GSM aux batteries usées, téléviseurs déglingués, vieilles cassettes VHS périmées, etc. Même nos vieux vêtements déchirés…Et sur ce dernier point, il y a à Mzuzu un énorme marché d’habits et chaussures d’occasion dont les rumeurs disent que ce seraient les donations détournées, on ne sait pas ni comment ni par qui, pour en faire un business fructueux… Délicat de se faire une opinion…

Quand on s’intéresse un tant soit peu à la politique récente de la région, on n’est pas plus fier d’être Blanc…

Le Malawi a vécu sous le joug d’un dictateur illuminé : Banda. Un personnage souffrant de folie aggravée, se prétendant doté de pouvoirs de sorcellerie, faisant de l’opposition de la chair à saucisses pour nourrir son élevage de crocodiles, interdisant le pantalon pour les femmes, les cheveux longs et donc les rastas pour les hommes (en réaction sans doute, il y a aujourd’hui énormément de rastas au Malawi), les rapports sexuels et le mariage avant un certain âge, l’homosexualité (resté passible de peines d’emprisonnement encore actuellement), etc, etc…

Dans un pays où tout se sait, les gens étaient parait-il extrêmement obéissants.

Banda, pour assoir son pouvoir, avait deux alliés de taille : L'Angleterre de Margaret Thatcher et le pape Jean-Paul II, s’inquiétant tous deux de la montée du communisme dans la région en pleine guerre froide, et cherchant à renforcer leurs derniers bastions.

C’est donc chacun à leur tour qu’ils venaient en visite officielle plébisciter ce barbare de dictateur pour son modèle de démocratie et sa gestion économique exemplaire !

Toute cette mascarade s’accompagnait de pots de vin juteux et d’aides économiques souvent détournées pour acheter le soutien indéfectible de Banda et s’assurer sa docilité. A l’époque 1 kwacha équivalait parait-il à une livre sterling, il vaut aujourd’hui +/- 230 fois moins … avec l’écroulement du pouvoir d’achat que cela suppose…

A la fin de la guerre froide, quand le Malawi est soudainement devenu beaucoup moins intéressant, Thatcher qui autrefois suçait les orteils de Banda, lui a subitement tourné les talons, diminuant au passage ses aides. L’économie déjà pas glorieuse s’est écroulée davantage, le cours du Kwacha avec…

Lorsqu’on jette un œil sur les pays voisins, on se surprend des similitudes historiques.

Le Blanc vient coloniser. Le Noir, à raison, finit par se rebeller avec, comme initiateur et leader incontesté, un personnage emblématique et charismatique qui s’avère toujours - une fois au pouvoir – être un dictateur sanguinaire (reproduirait-on le régime de soumission qu’on a connu ?). Le Blanc accorde l’indépendance de « sa » colonie en un geste qui se prétendrait presque chevaleresque, mais ce qu’il donne en public d’une main, il le reprend en coulisses de l’autre. Il fait de l’Afrique sa plaine de jeux, soutenant les régimes despotes en place, jouant de sa petite gue- guerre Est-Ouest, confondant pions et êtres humains. De temps en temps, il fait changer de dictateur quand celui au pouvoir n’est plus suffisamment malléable, ou lorsque la stratégie et/ou les règles du jeu ont changé. Quand la recréation est terminée, tout le monde reprend ses billes et va faire jou-jou ailleurs, laissant derrière eux le pays en pagaille, et le soin aux habitants de nettoyer le tyran en place et tout son système (bien entretenu, par le Blanc entre autres) de corruption… Sans les aides antérieures, l’éventuelle toute nouvelle démocratie a du mal, l’économie agonise encore un peu plus mais le Blanc reviendra bientôt en grand prince à coups d’aides humanitaires…

Vu du Malawi ça donne quoi ? Que quand on ignore ce qui se trame dans les coulisses, les seules choses tangibles auxquelles on croit sont que sous la dictature de Banda le pouvoir d’achat était supérieur et les gens mourraient moins de faim, que la démocratie n’a finalement engendré que davantage de chaos et empiré la pauvreté…


De la part de pays occidentaux qui aiment à se faire passer de temps en temps pour les garants moraux de la paix mondiale, belle leçon de démocratie n’est ce pas ?

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