samedi 29 septembre 2007

Vers plus de democratie...

Un petit rappel qu'il est du devoir de toute democratie de soutenir les droits de l'homme...
Pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus des horreurs perpetrees par la junte militaire birmane: http://www.hrw.org/doc?t=asia&c=burma
et pour agir: http://www.birmanie.net/

C'est avec beaucoup d'emotions et d'inquietudes que j'essaye de suivre l'actualite birmane... toutes les photos des petits moines prises il y a un an, a l'epoque de mon voyage en Birmanie, sont ceux rencontres a Mandalay, parmi eux, certains enfermes dans la pagode de la ville a l'heure qu'il est... peut-etre...
http://somewhere-on-the-road.blogspot.com/2006/11/carnets-de-route-myanmar-2.html

En esperant les retrouver dans quelques mois... sains et saufs... et enfin libres de leurs opinions...

mardi 25 septembre 2007

World Trip #9: Mozambique & Zimbabwe

J’ai prolonge mon sejour de deux mois supplementaires en Afrique que je ne parviens decidement plus a quitter…
Mon quotidien au Malawi continue son petit bonhomme de chemin. On en est a notre 4ieme prototype de poupee, et je passe mes matinees chez Margareth avec Hadas, l’Israelienne qui est la beaute et la quietude personnifiees. Margareth est la seule femme du village avec lequel on travaille qui parle anglais, et c’est donc chez elle que se deroulent nos « reunions » dont on ne sort jamais sans qu’elle nous invite a partager le repas avec sa famille. Repas qui se composent bien souvent de pommes-de-terre et tomates cuites a l’huile. Une fois celui-ci termine, on reverse le surplus d’huile des assiettes et des casseroles dans un recipient : rien ne se jette, cela servira pour la prochaine cuisson…
Pour arriver chez Margareth, c’est une demi heure de marche sur des sentiers escarpes qui montent a pic, et je me dis que mes 4 etages a Bruxelles n’etaient qu’un semblant d’echauffement. De l’exterieur sa maison a de la gueule compare au standard local ; toute en briques rouges de la couleur de la terre… Mais une fois a l’interieur, c’est le vide total, pas une chaise, pas une table, on s’installe par terre sur une natte, pas d’eau courante ni d’electricte, et on se rend compte en regardant en l’air qu’il n’y a meme pas de toit non plus. Juste 4 murs.
Les conditions sanitaires dans ces villages sont a l’image des infrastructures : negligeables. Un jour qu’on reconduisait un ami dans son village – ¾ heure de chemins accidentes en 4X4 a travers la foret- je m’etais questionnee sur ce que devait etre la vie dans ses villages ; est ce que les gens sont condamnes a vivre en autarcie en saison des pluies lorsque les chemins ne sont plus que de la boue impraticable meme en vehicules tous-terrains ? On m’avait repondu : c’est l’Afrique, les gens trouvent toujours un moyen de se debrouiller. A pieds, a velo, 3h de marche avec un sac de 20kg de riz sur la tete n’effrayent personne…

Pour notre projet on continue nos allers-retours a Mzuzu en taxi-brousse, ce qui implique bien evidemment de subir une fois sur deux leurs pannes. Quand ce sont les freins qui lachent on voudrait croire en Dieu et lui reclamer un miracle au moment ou le chauffeur entame les descentes a toute allure pour prendre son elan…
Lors d’un de nos voyages, nous avons croise un matola (pick-up prive que le proprietaire rentabilise en compressant jusqu'à 40 personnes et leurs bagages), son chauffeur roulant trop vite avait fait tomber les passagers… des dizaines de personnes hurlant en sang, un bebe au visage arrache… Les matolas sont en effet reputes pour leur dangerosite et leurs nombres frequents d’accidents, mais c’est un moyen de locomotion bon marche pour les gens dont c’et la seule possibilite pour se deplacer.

A Nkhata Bay je continue d’aller diner chez la grand-mere de Puncque, Gogo (c’est comme ca qu’on designe les vieilles personnes), et les deux sœurs, Thokozani et Wanangwa qui m’ont totalement adoptee et pour qui j’eprouve une affection sincere et profonde. Gogo repete a qui veut l’entendre a quel point je suis gentille de venir cuisiner pour elle… mais honnetement, tout le plaisir est pour moi… Elle m’a propose de venir s’installer chez elle et monter ma tente dans le « jardin » ; pas qu’elle ne me veuille pas a l’interieur de sa maison, mais comme dans la plupart des familles africaines, les gens s’entassent deja peniblement a plusieurs par matelas… La proposition me touche, mais devoir partager, plusieurs semaines durant, le trou dans le jardin comme toilette me rappelle que je suis encore trop impregnee de mon confort occidental.

Au Malawi la saison chaude a debute, et avec elle, la recrudescence de moustiques. Je me dis qu’il serait grand-temps que j’entame mon traitement preventif anti-pauludisme alors que les cas de malaria se multiplient autour de moi au meme rythme que la grippe en hiver chez nous. Je ne reconnais plus Roy - un Libanais qui travaille au Malawi- apres ses deux semaines d’hopital et ses 12 kilos en moins.
Pour soigner la malaria, beaucoup de gens ont encore recours aux sorciers ou a la medecine traditionelle qui consiste a appliquer des plantes sur le visage. Ils ne se rendent a l’hopital que lorsque c’est deja bien souvent trop tard… Une fois a l’hopital, ils n’ont la plupart du temps pas les moyens d’acheter les medicaments necessaires, que ce soit pour la malaria ou autres. Hadas et moi etions stupefaites lorsque l’on s’est retrouvee par hasard au milieu d’une conversation ou un ami expliquait, desempare, que sa mere etait en train de mourir a l’hopital de complications pulmonaires. En questionnant un autre ami on apprit que celle-ci ne pouvait en fait pas payer l’equivalent des 10 euros de traitement qui lui sauverait la vie. Siderees qu’on ne nous ait rien demande plus tot, on a tout de suite offert l’argent en esperant qu’il ne soit pas trop tard…

Personnellement, je croise les doigts : pas de malaria, pas de tourista ou de cholera malgre mon regime « eau du robinet », et pas de maladie du sommeil non plus malgre m’etre faite devoree par les mouches tse-tse en Zambie… juste un orteil casse qui ne m’empeche pas de marcher…

A Nkhata Bay vient de debarquer un couple de Mzungus sud-africains avec le projet d’ouvrir un hotel offrant des sports aquatiques sur le lac, et qui vous expliquent les yeux petillants de dollars, qu’il y aura entre autres ski nautique et jet-ski… De mon cote je souhaite ardemment que leur projet se casse la gueule, ou que le sorcier leur jette un mauvais sort quand je pense a la fin de la vie paisible du lac, au bruit des moteurs, a la pollution, la fuite des poissons, aux pecheurs en pirogue poursuivis par un jet ski…
Nous, pays civilises, sommes-nous si stupides pour exporter pareilles horreurs ??
Je n’ai nullement mauvaises consciences d’abriter des pensees si negatives lorsque j’entends ce meme couple, un joint dans une main, une biere dans l’autre, se plaindre de la paresse des locaux et du fait qu’ils boivent du matin au soir… Rentre chez toi si les gens y sont bien mieux…

Puncque est rentre de son safari pour lequel il s’est encore fait exploite dans les grandes largeurs par Patrick, et moi je commence a avoir serieusement la bougeotte… Je regarde dans mon Lonely Planet la liste des pays accessibles par bus comme on regarderait le tableau d’affichage des departs dans un aeroport en revant de s’evader pour la premiere destination…
Au Malawi tout le monde parle de l’Afrique du Sud et de Cape Town comme du dernier eden, le Lonely Planet decrit la ville come l’une des plus belles du monde, et j’ai de plus en plus envie d’aller y faire un tour…
Puncque reverait de m’accompagner ; depuis 12 ans que sa mere est partie s’installer en Afrique du Sud avec ses 2 demi-sœurs et 2 demi-freres, il n’a jamais pu collecter la somme d’argent suffisante pour les visiter. Je lui propose de lui payer le billet de bus ; sur place, il connaît suffisement de gens pour nous loger…

C’est parti pour 40 heures de bus a travers le Malawi, le Mozambique et le Zimbabwe !
Le Mozambique est paraît-il plus developpe que le Malawi, mais nous ne traversons que des villages de huttes, et des puits devant lesquels femmes et enfants font la file pour remplir leurs seaux. La premiere et unique ville que nous apercevons est Tete au bord du fleuve Zambeze.
A bord du bus, l’atmosphere est comme a chaque fois detendue ; on se croirait en partance pour les colonies de vacances. L’ensemble des passagers converse entre eux bruyamment comme s’ils se connaissaient tous depuis toujours. Chacun alimente la conversation de son point de vue tres certainement tres tres interessant a voir l’opiniatrete avec laquelle il veut le partager… Quand je demande a Puncque de me traduire les sujets en cours ; cela va des chapitres de la bible au nombre d’enfants que toute femme doit avoir, au nombre de femmes que tout homme doit epouser ou au nombre de prostituees en Afrique du Sud par rapport au Malawi.
Tout compte fait, je me dis que je n’ai pas de veritable avis sur la question et prefere continuer a somneler…ce qui s’avere quasiment impossible tellement les gens parlent fort pour couvrir le son des televisions qui diffusent les productions locales, sortes des series tele dans lesquelles les acteurs jouent tellement mal qu’on les confondraient avec des parodies des Inconnus, qui parlent de sorciers, de vengeance, de Dieu (beaucoup), de politique et de corruption (ici, comme en Wallonie, l’un ne va pas sans l’autre).

En milieu d’apres-midi un remue menage me sort de ma torpeur ; une jeune fille voyageant seule est sur le point d’accoucher ! Je me dis qu’on va faire demi-tour vers la ville de Tete pour la deposer a l’hopital… mais non ! Il y a suffisement de meres de famille me dit-on pour l’assister… On fait asseoir tous les hommes a l’avant pour ne pas qu’ils voient la jeune fille a moitie denudee, et toutes les femmes a l’arriere qui se relayent pour la reconforter. Un peu plus tard, une femme crie de s’arreter ; ce qu’on fait au 1er village… qui se composent de 7 huttes ( !), et on va chercher la « sage-femme » locale. Je n’en crois pas mes yeux quand monte dans le bus (dont on a cette fois debarque tous les hommes) une vieille femme dont les rides et le manque de dents la feraient dater de plus d’un siecle, vetue d’un pagne, les seins tombants a l’air… Je me demande au depart s’il s’agit d’un cauchemard, mais je me rappelle tres vite qu’on est en Afrique et que plus rien n’est sense m’etonner…
A l’arriere du bus ou se trouve la future mere, pas un bruit a part le murmure des femmes entre elles, des larmes coulent sur leurs joue, et je m’attends a des complications, mais ½ heure plus tard retentit le cri d’un petit garcon qu’on emballe directement dans des couvertures… Connaissant la facon dont on attribue les prenoms, je me dis que ce pauvre petit bonhomme s’appellera Translux du nom de la compagnie qui nous transporte ; et je me demande s’il a finalement reellement echapper au pire… J
Je regarde avec degout passer les sachets plastiques remplit de sang, du cordon ombilical et autres… et 10 minutes plus tard, pas de temps a perdre, on repart ! Dans le bus un homme prend la parole pour remercier non pas les femmes qui ont accouche la pauvre mere, mais Dieu tout puissant, et tout le monde entame une priere a l’unisson… Ensuite, tout revient a la normale comme si rien ne s’etait passe, et les discussions reprennent sur la facon de cuisiner le nsima, ou sur le nombre de poulets que devraient posseder toute famille…
La mere, elle, semble decidee a continuer jusqu’au bout les dernieres 30 heures de voyage en bus avec son nouveau passager. De mon cote, je pense a mon propre inconfort, a mon reve d’une douche, et a mes jambes qui me font mal, et en comparaison je me sens scandaleusement trop gatee de meme y songer !

Une fois arrives a la frontiere du Zimbabwe, les choses se compliquent ; le bus est retenu pendant 3 heures, les autorites reclament un passeport pour le nouveau-ne. Pas de negociations possibles ; les passagers se cotisent pour payer une chambre d’hotel pour la mere et son enfant qui reprendront les bus pour le Malawi le lendemain matin. Je pense a cette jeune fille obligee de passer sa premiere nuit de mere seule au milieu de nulle part…

On traversera la Zimbabwe sans eux, ce pays depuis plusieurs annees au bord de la guerre civile, dont l’equilibre ne tient plus que par la severite des reponses de l’armee a toutes formes de protestations. Le site de la diplomatie belge attribue un 5/6 dans le degre d’insecurite, ce qui veut dire « interdiction de s’y rendre sauf obligations incontournables »… ben oui, le Zimbabwe se trouve sur la route de l’Afrique du Sud, et nous ne ferons qu’y transiter…
Tout semble calme, presque trop calme ; le soir les maisons s’eclairent a la bougie malgre les pylones electriques qui longent la route… Arrives a la capitale Harare, quelques voitures roulent a l’essence achetee au marche noir. Le centre commercial ou on s’arrete pour se restaurer ressemble a l’Europe de l’Est au temps de la guerre froide : rayons vides et une seule sorte de nourriture a acheter… Autour du bus nous attendent des dizaines de mendiants esperant grapiller les restes eventuels de nos repas…
On repart d’Harare, je m’endors pour me faire reveiller vers 4heures du matin a la frontiere sud-africaine.
Ce qui me choque d’emblee, ce sont les kilometres de barbeles, les regiments de policiers armes, et la multitude de controles a endurer : 6 heures de queue au total, de 4h du matin a 10h, debout dans le froid glacial de la nuit, dans la chaleur etouffante de la matinee… pour moi un simple cachet supplementaire sur mon passeport, mais pour la majorite des passagers du bus, un aller simple vers l’eldorado !

mardi 4 septembre 2007

World Trip # 8: Malawi (part VII)

August 14th - September 1st

Arrivee confortablement en 4X4 de Zambie a Lilongwe, Puncque m’a propose de l’accompagner pour son boulot a Zomba. J’ai saute a pieds joints sur l’occasion pour decouvrir le sud et ses sublimes montagnes aux flancs desquelles se dressent ca et la, tels des champignons, des maisons rondes en terre sechee, rassemblees en simili villages.

Ces quelques jours en compagnie de Puncque m’ont revele la dure realite de son travail de guide.
Guide de Safari, c’est un boulot a temps plein, et quand on dit a temps plein, cela veut reellemnt dire l’entierete du temps : se lever vers 5 h du matin pour rassembler du bois, allumer le feu pour preparer avec les moyens du bord le dejeuner des clients, depoussierer la voiture, faire la vaiselle, conduire toute la journee sur des pistes difficiles en commentant les paysages, repondre sans broncher aux requetes impromptues des clients (‘your commands are my orders’), preparer le diner, le souper, la vaiselle encore, faire, defaire les tentes, et reparer les nombreuses deffaillances de la voitures, toute la nuit a la lueur d’une torche s’il le faut… tout ca pour un salaire mirobolant de…. 4 euros par 24h de travail preste !
Dans un pays ou les disparites salariales sont aussi fortes (second au rang mondial), quiconque possede le capital suffisant pour demarrer un business (dans le cas d’un safari, une jeep aussi pourrie soit-elle) devient un seigneur en puissance et peut allegrement exploiter ses sujets, les « serfs », les « affames »…
C’est ce que fait sans scrupule le boss de Puncque, Patrick, Monseigneur Patrick, un Mzungu qui dans son pays ne serait probablement qu’un demi rate… Il a tente d’engager la conversation avec moi plusieurs fois durant notre sejour a Zomba ; je devais serrer les poings et la machoire pour eviter de lui cracher a la figure. Depuis on ne se salue meme plus quand on se croise dans l’une des deux rues du centre de Nkhata Bay, ca m’epargne l’effort de feindre que j’ai le moindre respect pour sa personne.
Puncque, lui, ne se plaint jamais parce qu’il a la chance d’avoir un travail, parce qu’il a une famille a nourrir, parce qu’il n’aura jamais l’argent suffisant pour etre son propre patron.
Une fois rentre a la maison, il a divise son maigre salaire en 4 : deux quarts sur le compte d’epargne de ses sœurs, un quart pour sa grand mere, et le restant qu’on a ete porte a la famille d’un de ses meilleurs amis vivant dans une de ces maisons en terre sans eau ni electricite. Pourquoi ? Parce qu’ils sont pauvres et ont besoin d’aide… cela semble tomber sous le sens…

Une fois la 4X4 de Monseigneur Patrick redeposee a Lilongwe, le retour en bus vers Nkhata Bay fut epique ; trimbalant, en plus des sacs a dos, une bonne trentaine de kilos de legumes achetes par Puncque sur la route pour sa famille. Le bus de Lilongwe vers Mzuzu est tombe en panne. 10h d’attente en pleine nuit ; les passagers ont finalement ete tirer de son sommeil le pauvre cafetier du village pour oublier le temps en s’enivrant de Chibuku Shake Shake (sorte de vomi alcoolise grumeleux). Une fois reparti, le bus a parcouru les 6 heures de trajet en zizaguant (le chauffeur avouera plus tard qu’il s’est endormi a plusieurs reprises). Le bus de Mzuzu vers Nkhata Bay est bien evidemment aussi tombe en panne (de freins… un classique !). Apres une nuit blanche, on ne mesure plus le bonheur que c’est de devoir encore faire du stop, Puncque, moi, 30 kg de sacs a dos, 30 kg de legumes et un 3ieme comparse.
Le 3ieme comparse, c’est un vieil ami de Puncque qu’il a retrouve en haillons mendiant dans un bled ou l’on s’etait arrete pour acheter les legumes. Le type, devenu a moitie fou a force de drogues de toutes sortes, n’avait plus mange depuis des jours et dormait dans un arbre pour eviter de se faire bouffer par les chiens la nuit… Puncque s’est donc charge de le ramener a sa famille a Nkhata Bay… C’etait on ne peut plus charitable, mais le type puait la rage, ce qui augmentait considerablement l’inconfort du voyage, et la difficulte de trouver une bonne ame pour nous prendre en stop, et en option, supporter l’odeur pestinentielle.
Notre voyage aura dure 22 heures au lieu des 6 requises. Retour a la case depart donc, Nkhata Bay, ou se trouvent la majorite de mes « brothers d’adoption ». Le ceremonial de routine quand je reviens de quelques jours de voyage ; ce sont les embrassades comme si je rentrais de 5 annees de guerre au front…

Ici j’ai retrouve mes petites habitudes ; danser avec la petite Jessica Wanangwa pendant que le homeless qu’ils acueillent chez eux nous joue de la guitare faite de deux malheureux morceaux de bois et un fil de peche, aller se baigner avec Agnes Thokozani, pecher avec Captain Che Billy et tomber en panne en plein milieu du lac dans l’obscurite totale, ecouter les concerts improvises de djembe de Windstone, manger encore et toujours du poulet, faire des ballades dans les villages des montagnes surplombant la baie, se faire suivre dans mes promenades par 5, 10, 20 puis 30 gosses qui crient Mzungu en sautillant, apprendre tres tres peniblement le chichewa, oublier et reapprendre a nouveau.

Puncque est reparti pour plusieurs semaines en safari, et pourtant, je continue d’etre recue dans sa famille non pas une princesse – je me sentirais inconfortable sur mon trone- mais comme un membre a part entiere de la famille… J’y vais quasi tous les soirs apres avoir fait les courses au marche avec Agnes Thokozani, et je me retrouve parachutee malgre moi en plein milieu de reunions de famille, coincee sur une chaise a ecouter des heures durant, oncles, tantes, cousins, cousines eloignes en discussions animees en chichewa dont je ne comprends pas un traitre mot. Des que je fais mine de me lever pour partir, une main sortie de nul part me reprecipite sur ma chaise pour me rappeller que je suis plus que bienvenue dans la reunion familiale…

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, je m’etonne moi meme de ne plus m’etonner de cuisiner a 4 pattes, couper mes legumes a meme le sol a l’aide de ce qui fut un jour un couteau, alimenter mon feu avec le bois que je trouve autour de moi, croiser les gosses en loques et pieds nus, les femmes en robe traditionelle de Chitenge portant 3 tonnes de je-ne-sais-quoi sur la tete, voir passer les pirogues tranquilles des pecheurs chantant, je prends le taxi brousse comme je prenais le bus 71, et je ne me soucie plus des fourmis qui me grimpent dessus a longueur de journee, ni des mouches qui recouvrent les poissons que je vais acheter au marche.
Je ne me surprend plus non plus des histoires locales comme celle de Jack, un babouin echoue des forets environnantes qui traine dans les rues de Nkhata Bay, et que les gens traitent comme un des leurs (j’entends dire : this Jack is really rude !) ;a tel point que ce pauvre animal a ete jete, comme le plus commun des humains mortels, une semaine en prison pour vol a l’etalage. J’imagine qu’il doit etre depuis parmi les delinquants recidivistes….

On pourrait me penser integree, et pourtant, malgre la chaleur magnetique et le sourire inalienable des Malawiens, je sens que je suis encore a des annees lumieres de comprendre la culture locale… plus on s’en approche, plus elle paraît eloignee…
Pami les choses qui me sont encore totalement etrangeres ; la croyance en la magie. Si vous osez avouer que vous n’y croyez pas, les gens vous regarderont comme si vous veniez d’avouer que vous etes venu en vaisseau spatial de la planete Mars. On ne plaisante pas avec la sorcellerie !
Les witch-doctors (les sorciers) sont partie integrale de la communaute, et peuvent se transformer au gre de leur humeur pour se faufiler dans votre intimite. La nuit, ils viennent investir les maisons, manger dans votre cuisine, claquer vos portes… tout Malawien a au moins une experience personnelle a vous raconter sur le sujet, a tel point que je deviens moi-meme parfois sceptique. Les etoiles filantes sont en realite des sortes d’avion que prennent les sorciers pour se deplacer. Si si !
Toute maladie ou mal non diagnostique est un mauvais sort que quelqu’un de mal-intentionne vous aurait jete. Et a ce propos, et plus terre a terre, les gens cuisinant dehors, les cas de personnes jalouses empoisonnant la nourriture de leur voisin ne sont pas infrequents ici…
Quant aux sorts proprement dits, les gens y croient de facon tellement intime que quand ils vous racontent des anedoctes a ce sujet, il est impossible de discerner la realite du surnaturel, si tant est qu’il y ait pour eux la moindre difference… Ainsi ai-je croise des processions de gens chantant pour feter la condamnation de deux femmes ayant abandonne leurs enfants dans la foret… les enfants eux-memes etant presents, il faut du temps pour comprendre que c’est d’avoir ete perdre les ames de leurs rejetons dont on les accuse.

Plus recemment, c’etait le cas d’un pecheur ayant disparu. Pas question d’envisager qu’il ait pu, par exemple, se noyer (explication bien trop rationnelle) ; les gens etant persuades que quelqu’un lui avait jete un sort et l’avait rendu invisible. Le pecheur serait donc parmi nous, errant comme un malheureux, desormais invisible des siens… Pour le rendre visible a nouveau, rien de plus simple : faire appel au witch-doctor. Je me suis donc rendue dans le village le jour ou le sorcier officiait la ceremonie sensee le faire reapparaitre (avec l’un des rares malawiens ayant accepte de m’accompagner : ils sont effrayes de ce qui pourrait eux-meme leur arriver en frequentant le sorcier de trop pres), mais la famille n’avait pas pu recolter les $100 necessaires pour payer le traitement magique, et la ceremonie etait remise a plus tard.
Finalement quelques jours plus tard, le sorcier a decouvert, lors d’une de ses visions, la verite : un autre pecheur lui avait jete un sort, rendu invisible de tous sauf de lui, et capture pour l’obliger a pecher pour son compte… ayant eu vent du sorcier qui le ferait reapparaitre, et ayant peur que la verite eclate au grand jour, il a finalement tue son otage pour le faire taire a jamais… Le sorcier ne pouvait donc plus rien faire… si ce n’est raconter son histoire a la justice. Le second pecheur est donc en garde a vue, et attend a l’heure qu’il est son jugement…
Quand je m’horrifie du fait qu’on puisse accuser quelqu’un sur le temoignage d’un pseudo magicien, les gens me regardent avec suspicion… comment ose-je remettre en doute les pouvoirs surnaturels du sorcier qui ne se trompe jamais !

On m’a demande plusieurs fois si je faisais le tour du monde ou le tour du Malawi… disons que j’ai trouve un endroit ou je me sens bien et ou j’apprends tous les jours. On est aussi un petit noyau de Mzungus qui sommes tombes amoureux du pays et de ses habitants : Dan l’Anglais ici depuis 1,5 ans, Mary l’Irlandaise ici depuis 8 mois, et Hadas, l’Israelienne avec qui je collabore a un projet impliquant un groupe de femmes des villages jouxtant Nkhata Bay. Couturieres, nous demarchons pour elles les guesthouses afin de leur trouver du travail, telle la fabrication d’oreillers, couvertures, etc. faisant aussi des allers-retours a Mzuzu pour acheter la matiere premiere. On fait aussi des prototypes de poupees au costume traditionnel que les couturieres pourraient potentiellement vendre aux touristes… c’est la debrouille et la creativite pour denicher le materiel necessaire… Ni Hadas ni moi n’avons la moindre notion de couture, ni si le projet aboutira, mais ce qui est certain, c’est qu’on s’enrichit au contact de ces villageoises….