mardi 15 janvier 2008

World Trip # 22: Nepal (Part VI & Last)

David et moi quittons la ceremonie de mariage rivigores par les sourires de nos hotes nepalais dont la chaleur ferait fondre les neiges eternelles des plus hauts sommets de l’Everest…

On negocie in extremis deux places de bus pour Kathmandu, et on se retrouve dans un bus touristique a cote de deux Belges, Claire et son compagnon de voyage, belge aussi donc, qui travaille dans une chocolaterie! Ca ne s’invente pas!
Claire engage une conversation tres spirituelle, voire mystique avec David qui durera les 8 heures de trajet.
Apres notre rencontre avec le chaman gantois, j’aurai du mal a convaincre David que, non, tous les Belges ne sont pas allumes! Quoique…

Moi assise a cote de la fenetre qui ne ferme plus, j’arriverai a Kathmandu avec une sinusite et une toux infernale dont j’aurai beaucoup de mal a me debarraser.

La premiere chose que je fais en arrivant est contacter Pawan, mon ami nepalais qui n’a cesse de m’envoyer des emails deprimes depuis que j’ai quitte la capitale.
Le courant passe immediatement, sans difficultes, et sans surprises entre Pawan et David, qui fait dans la foulee connaissance avec tous les membres du groupe de Rock de Pawan autour du rituel masalai chai sur Durbar Square.
On se fait tous une nouvelle fois inviter a manger chez Pawan. Avec David, jouant et composant egalement a la guitare, on improvise une jam session sur la terrasse de la maison des parents; enchainant classic rock, bossa nova, musique nepalaise, guitare espagnole, et surtout quelques ravissantes compositions personnelles de David et Pawan… Il ne manquait plus que le feu de camp pour que la soiree soit parfaite… bien que non, elle restera parfaite dans mes souvenirs…

Avant de partir, le pere de Pawan insiste pour nous inviter David et moi a un pousse-café. Il nous verse des quadruples doses de whisky en nous expliquant que c’est son medicament contre le froid par lequel il commence chacune de ses journees! On acquiesce d’un air compatissant, se gardant de tout jugement sur ses shots matinaux (du moins juste par politesse sur le moment…). En attendant, il se fait tard, Pawan s’impatiente pour nous raccompagner. On avale donc cul sec notre imitation nepalaise du whisky ecossaise, alors que le pere ne cesse de nous, et de se resservir. Pawan lui ne peut que nous regarder boire…

A partir d’une certaine heure, heure certaine… ou plutot certainement aleatoire, c’est le couvre-feu a Kathmandu; l’arme patrouille la ville en epargnant les touristes, mais pas les Nepalais. Un soir que Pawan revenait de nous avoir reconduit Carlos et moi a notre hotel, il s’est fait tabasser par les militaires l’accusant de vagabondage. Ce ne fut pas la premiere fois, il a deja passé plus de 24 heures au poste, avec interdiction de passer des coups de telephone et donc d’en informer sa famille, pour des raisons qu’il ne connait toujours pas.. et ne connaitra probablement jamais…


Si David est a Kathmandu pour renouveller son visa indien, ce qui prend plusieurs jours de tracasseries administratives rebutantes voire decourageantes; c’est aussi une opportunite de s’initier a la meditation. On visite donc 2 jours durant tous les centres de meditation de Kathmandu, rencontrant les differents Gurus des plus bizarres aux plus pragmatiques, et notre choix s’arrete finalement tout simplement sur celui qui nous semble le plus sympathique pour 3-4 jours d’introduction aux differents types de meditation: Vipassana base sur le controle de la respiration, tibetain qui requiert un echauffement au cours duquel on saute dans tous les sens en poussant des “ouh” comme des primates sur de la musique, avant de prendre la pose jambes croisees et sereine de Bouddha pour prononcer des “ohms” successifs et prolonges, et terminer le tout par le don de notre energie a l’univers, .. et la recuperer ensuite (!)… un repartage harmonieux en quelque sorte… Enfin, le dernier type d’initiation, la Reiki meditation qui consiste a faire vibrer en emettant des sons les 7 differents chakras, ou centres d’energies distribues dans le corps, a tour de role.
Notre toute derniere séance sera celle du “chakra healing”, sorte de diagnostique de l’etat de sante de nos chakras et degre d’equilibre entre eux…
Allonges les yeux fermes, on se soumet a l’apposement des mains a distance par notre Guru en ces differents endroits energetiques du corps. Cette methode est aussi utilisee par certains pour soigner toutes sortes de maladies, du moins cest ce qu’ils pretendent…
Rationnelle impenitente, je dois admettre avoir senti, meme au travers de mes 3 couches de pull, la chaleur rayonnante des mains du Guru s’approcher sans meme jamais m’effleurer! Tentez l’experience chez vous, vous n’y arrivez pas!
Au terme de cette séance, mon diagnostic sera la secheresse de mon 5ieme chakra, situe au niveau du cou, et centre d’energie qui permet la libre expression de la creativite et des sentiments.

Au cours de ces 3 jours (et toute tentative d’y voir un lien avec le Reiki Healing serait fortuite!), David est tombe tres serieusement malade; il souffre de dysenterie, manifeste de fortes fievres et pertes de sang. On se rend donc a la clinique recommandee par le Lonely Planet, c’est a dire la seule pour laquelle ne figure pas un commentaire du style “l’endroit reve si vous planifiez d’y mourir”. Prescriptions sans surprises: antibiotiques a fortes doses.

D’apres le medecin americain specialise dans les traitements des bacteries du systeme digestif, le Nepal est le pays presentant le plus haut risque au monde de contracter des infections intestinales. En cause; l’absence de systeme d’evacuation des dechets orduriers et organiques, poubelles et egouts confondus donc, qui font le festin des mouches, les memes qui viennent se poser sur la nourriture pour le dessert ensuite… Bon appetit!

Avec David qui tremble sans cesse et qu’aucune couche de couvertures, aussi epaisse soit-elle ne parvient a rechauffer, on change de la chambre qu’on partageait pour une avec chauffage electrique d’appoint (le luxe!). La parfaite excuse pour moi aussi de cesser de dormir en quasi combinaison de ski, et profiter d’un semblant de chaleur apaisant un tant soit peu ma frilosite decidement incurable…

On passera Noel a Kathmandu, qui ne sera pas blanc mais terriblement froid! Grande messe commerciale a laquelle les Nepalais vivant du tourisme se soumettent volontiers; chaque restaurant redouble d’imagination pour elaborer son menu de Noel, dinde traditionnelle comprise! Je reussis a trainer David agonisant jusqu’au restaurant, il fera meme un effort pour decompter les 12 coups de minuit avec moi au Buddha Bar (merci encore David! ;-)), ou nous sommes parmi les seuls touristes; les Nepalais qui s’y trouvent ne savent probablement pas exactement ce que signifie Noel, mais ils en ont retenu l’essentiel; la fete et la boisson!!

Pour profiter de mes derniers jours au Nepal, et pour mes cours de meditation, je me leve de plus en plus tot, ce qui est aussi l’occasion de decouvrir une autre facette de Kathmandu, moins touristique, un des aspects d’une ville que j’apprends a apprecier et aimer de plus en plus.

Ce qui est constant a Kathmandu, quelque soit l’heure de la journee, ce sont ses embouteillages monstrueux. Personne n’y echappe: voiture, velo, moto, charrues, rickshaws et pietons compris (!), et qui peut vous paralyser pendant de tres tres longues minutes voire heures dans un vacarme assourdissant. Les rues du Kathmandu historique, vieilles de nombreux siecles, n’ont evidemment pas ete concues pour accueillir ou anticiper le traffic moderne a double sens, meme les trottoirs sont inexistants. L’idee de sens unique ne semble pas avoir germe non plus dans l’esprit des planificateurs urbains actuels (ou serait-ce de toutes facons impossible a faire respecter?), c’est donc la place libre au chaos et a la loi du plus fort…

Mais les matins a Kathmandu, c’est aussi la ville entiere qui se desengourdi du froid nocturne dans la brume matinale encore pourtant remplie de givre; le bruit des feux a gaz qui s’allument dans chaque gargote, et a chaque coin de rue pour bouillir le the et lelait dans de vieilles casseroles, et servir le chai aux travailleurs pour qui ce moment de socialisation est une habitude quasi hieratique; les premiers coups de klaxon des rickshaws tentant de se frayer un passage parmis les pietons encore endormis et emmitoufles dans leur couverture en laine de yack multicolore, bruits de klaxon reconnaissables entre tous, car emis a l’aide de bouteille de shampooing vide et amplifies a l’aide d’un entonnoir..; les visites aux temples pour les premiers pujas, se faire apposer le troisieme oeil dessine de rouge et commencer la journee sous les meilleures auspices pour les hindus, les premiers tours en sens horlogique des stupas pour les bouddhistes; les militaires qui font leur jogging sous le commandement lascif de leur adjudant-chef; les enfants qui ont troque leurs haillons pour se parer de leur plus beau costume d’ecolier, en jupette ou costume cravatte; les vendeurs de souvenirs qui deballent leur article sur Durbar Square en esperant une journee riche en touristes et devises; les maraichers qui etalent leurs fruits et legumes frais dans la poussiere et la salete, a meme le sol, a meme rue, aggravant s’il etait encore possible les embarras de circulation; les camions-remorques deglingues qui font le ramassage des poubelles, avec a l’arriere, postes sur le monticule de dechets, de jeunes garcons triant au fur et a mesure pour recuperer ce qui est a leurs yeux recuperable; bouteilles en plastique vides, sachets, ferraille…

Le tout sera retrie une seconde fois dans les decharges publiques a ciel ouvert situees en plein centre de Pagan, et dans lesquelles les petits gosses misereux passent leurs journees a rechercher des restes de nourriture…

Les enfants des rues sont nombreux a Kathmandu, comme malheureusement dans toutes cites urbaines des pays pauvres. Quand on rentre le soir transis de froid, et impatients de retrouver le confort de nos couvertures chaudes, on les croise sur Durbar Square, tentant vainement de se rechauffer autour de feux de fortune faits des dechets qui ont debordes des poubelles. Petits bouts de chou hauts comme trois pommes, depassant d’une tete a peine les chiens errants galeux qui leur tiennent compagnie…


Les jours qui me restent au Nepal sont comptes. Je ne parviendrai pas a revoir Lekshey avec qui je reste en contact par email et telephone, et qui voulait nous inviter a passer une journee dans son monastere de Kathmandu. Dommage! La parfaite excuse pour moi revenir au Nepal et savoir s’il aura finalement quitte les ordres et fonde une famille…

Par contre, on verra regulierement Pawan qui, lorsqu’il veut quitter le tumulte et le raffut de Kathmandu, part se ressourcer autour d’un lac paisible situe a une petite heure de bus de Kathmandu. C’est certainement ce dont David, qui a du mal a guerir , et Pawan, qui deprime toujours, ont besoin, et on part a 4; Pawan, son pote Bikhi, David et moi, pour une après-midi a nourrir les poissons, les canards, et refaire le monde…

Dans le bus qui nous ramene a Kathmandu, on sait que c’est la derniere fois qu’on se verra tous les trois ensemble… Dans quelques jours on repartira vers nos destinees respectives. Pawan terminera son semestre a Kathmandu, David reprendra son boulot de benevole en Inde, et moi je partirai vers le Tibet.

On s’amuse a imaginer a quoi ressemblerait notre prochaine tres hypothetique rencontre … Pawan sera devenu un grand leader au Nepal après avoir etudie aux Etats-Unis, une sorte de Che Guevara nepalais… (du moins que le cote positif du Che, en oubliant sa barbarie et le sang qu’il a fait couler); David aura redresse l’economie de plusieurs pays en voie de developpement grace au systeme des micro-credits… (sans sarcasme aucun.., je reste convaincue que c’est le systeme d’aide le plus intelligent qui soit, qui, s’il est bien pense et bien gere fonctionne le mieux!); et moi… ben moi, je serai peut-etre toujours sur la route a vous raconter ce qu’ils seront devenus…

Un stupide Happy End a l’americaine, c’est ce que j’aurai trouve de mieux ce jour-la pour empecher mes larmes de couler…

Child Protection Center

lundi 7 janvier 2008

World Trip # 21: Nepal (Part V)

Declarant forfait dans ma tentative d'envoyer des mails face aux imponderables nepalais que sont les coupures de courant, de reseau telephonique, et mauvaise volonte opiniatre des ordinateurs, j'invite David a prendre le the dans la gargote d'a cote.

David est un etre a part entiere, une sorte d'ange, ou peut-etre simplement un gentleman comme on n'en fabrique plus...
Du sang de tous les les coins du monde qui coule dans ses veines et nombreux demenagements a travers le globe, il a herite l'ouverture au monde exterieur; de ses parents catholiques idealistes missionaires, le meilleur; la bonte a l'etat pur; de sa formation d'ingenieur, l'intelligence et le rationnel qui s'entrechoquent et s'amalgament continuellement sous forme d'unions et de desunions avec les principes de son education.
Non encore remis de sa tres recente separation d'avec sa copine, il est en pleine remise en question sur ce que devraient etre ses relations et sa vie en general. Durant nos quasi trois semaines passees ensemble, je ne me serai jamais ennuyee une seule seconde, m'enrichissant de chacune de nos conversations.

Autour de notre the chaud, s'est joint a nous Lekshey, un moine d'un monastere de Kathmandu. Lekshey me connaissait deja de vue; preuve s'il en est besoin que je ne suis pas passee inapercue lors de mon intrusion aux 10 jours de priere!! Il maitrise mal l'anglais, mais avec une bonne volonte de part et d'autre, on arrive tous les 3 a se comprendre.
Lekshey est originaire d'une famille de fermiers de Jomson, et est entre (ou plutot, a ete envoye) dans les ordres a l'age de 8 ans. Autant dire qu'il ne connait que la vie monastique... Apres +/- 20 ans de vie en retrait du stress quotidien inherent a ses congeneres nepalais; il est arrive a un moment de questionnements profonds et interet pour la vie de tout un chacun qu'il a de plus en plus de mal a reprimer... Il sent que le temps est venu pour lui de quitter son cocon confortable pour gouter a l'aventure palpitante que nous, pauvres communs des mortels, n'avons meme pas conscience de vivre; une vie faite d'euphories et de deceptions qui la rendent selon toutes apparences plus interessante que le confort lisse et tranquille de son monastere..
Il pense, tres certainement a raison, que mediter sur la compassion et la souffrance d'autrui est chose aisee si on ne les a pas soi meme experimentees. Vingt annees de theorie a mettre en pratique lui donnent le vertige, mais il semble avoir atteint un point de non retour dans sa reflexion..

On va manger tous les trois dans le seul restaurant encore ouvert a une heure si tardive qu'est 8 heure du soir a Lumbini, lorsque l'armee fait irruption pour s'assurer que personne ne consomme d'alcool. La veille, un groupe de moines s'est envivre au point que leur beuverie ait tourne en bagarre generale aux tessons de bouteille. Plusieurs d'entre eux ont fini la nuit au poste ou a l'hopital. Lekshey est evidement profondement choque par cette attitude, et l'image que cela donne de sa confession... Moi je me rassure en me disant que quelques imbeciles et un pervers parmi 3000 moines reste une proportion acceptable quand on sait a quel point l'humain peut etre faible... (n'est-ce pas Dimi?)

A la fin du repas, Lekshey en ayant sans doute assez du froid glacial de sa tente, demande a David s'il peut dormir avec lui. D'abord surpris, ce dernier accepte volontiers... J'avoue qu'apres mon experience de quasi viol le matin meme, je me suis inquietee pour lui toute la nuit... :)
Le lendemain matin, je retrouve David sain et sauf, et on part avec Lekshey pour une quinzaine de kilometres de marche a travers les temples et monasteres bouddhistes finances par les genereux donateurs etrangers; le japonais, le chinois (tiens?!), l'autrichien, l'allemand.... Sans grand interet (...du moins a mon gout); seul un arret en milieu de parcours ponctue notre journee d'une distraction amusante: deux enormes boas caches dans les buissons! Un groupe de garcons irresponsables est en train de tenter de les capturer.. On repartira neanmoins sans savoir qui des boas ou des garcons sortiront vivants de cette chasse inconsciente...

De retour a l'hotel, on se fait apporter le the par Bituk, notre petit serveur adorable dont l'age doit sans doute s'ecrire encore en un seul chiffre.
Dans les restaurants des villages ou ceux des villes non frequentes par les masses de touristes, ce sont tres frequemment des enfants qui font le service. Bien souvent, il s'agit de l'enfant de la famille, mais aussi parfois d'"enfant-esclaves". C'est malheureusement tres certainement le cas de Bituk si on en juge a la rudesse avec laquelle il est traite par le gerant...
Bituk n'a sans doute pas eu la chance de naitre le premier dans une famille dont les moyens ne permettent de payer des etudes, ou du moins une vie moins miserable, qu'a l'aine. La famille "loue" alors les services de leur progeniture aux restaurants ou familles plus aisees. Certains ont un destin plus fortune, et la famille d'accueil leur permet d'aller a l'ecole en journee. Mais l'amour parental n'est pas une chose qui se monnaie, et ces enfants n'en recevront probablement jamais....
Bituk travaille sans relache; au lever du soleil, c'est lui que j'entends balayer, et quand on rentre le soir apres la fermeture de l'hotel, c'est encore lui qui nous ouvre la porte sans jamais cesser de sourire ou chanter...
Bituk me touche profondement le coeur, mais quand j'essaye de lui montrer de l'interet, en l'invitant par exemple betement a partager un morceau de chocolat; il l'avale avec gourmandise comme un voleur et repart aussi vite a sa tache. Je n'obtiendrai de lui que son prenom, que je n'oublierai pas - comme je n'ai jamais oublie non plus celui d'Arka en Inde - tant ils sont synonymes de la condition de trop nombreux d'enfants du Nepal et d'ailleurs...


Pour une fois, ma route etait bien tracee; l'Ouest du Nepal et ses contrees non explorees; mais etre en aussi bonne compagnie que David est un cadeau qui ne se refuse pas, et je me laisse tentee par l'idee de le suivre vers le Chitwan National Park. Entre-temps, j'ai eu des nouvelles de Carlos qui est rentre vivant et sans casse de son trek dans l'Himalaya, et qui a besoin de quelques jours confortables a Pokhara pour se remettre, et vivre le farniente pokharadien si seduisant..
Je prends donc le bus avec David. On a droit a l'air conditionne sans emoluments supplementaires; a savoir a cote de la porte du bus restee grande ouverte pour que les Nepalais puissent passer la tete pendant le voyage et fumer leurs cigarettes. On gele litteralement sur nos sieges, et on arrive a Chitwan en plusieurs bus locaux et taxi.
Chitwan est une destination pour touristes.. quand il y en a... ce qui n'est pas le cas de la saison pendant laquelle on s'y trouve, mais ce qui veut dire aussi qu'il y a de quoi nous tenir occupes pour la duree de notre sejour.
On part donc negocier notre randonnee a dos d'elephants pour admirer les rhinoceros et autres crocodiles, ainsi que notre ballade en canoe dans le brouillard matinal et impenetrable du parc.
Dans le premier bureau dans lequel on se rend, on rencontre Nagendra, le manager, un phenomene a lui tout seul qui decrit avec humour la situation economique de son pays qui n'est est pourtant pas vraiment pourvue.
Il deviendra notre quasi pote chez qui on va boire le the plusieurs fois par jour pour ecouter ses complaintes sacarstiques, et en apprendre davantage sur la politique nepalaise paraissant en bonne position pour surpasser le surrealisme gouvernemental belge.
Si en Belgique on est en attente de gouvernement, ici ce sont les elections qui se font desirer depuis de longs mois, faute d'accord sur la constitution qui devra decider entre autres du sort du Roi, et du pouvoir accorde aux Maoistes. Maoistes, dont le leader Brachenda ne cesse de boycotter les negociations par des revendications exagerees et ridicules; et que personne que j'ai rencontre ne semble porter dans son coeur.
C'est ce qui me fait ne rien y comprendre; plus complexe que le probleme Bruxelles-Halle-Vilvoorde: comment des maoistes sanguinaires ayant a leur passif le meurtre de centaines de villageois, et qui rackettent continuellement la population auraient sa place dans des negociations? Il est vrai qu'apres la lecture quotidienne de l'actualite belge, plus rien ne m'etonne. Les elections au Nepal sont repoussees au mois d'avril... bien que la date fasse sourire tout le monde..
Qui de la Belgique ou du Nepal aura en premier son gouvernement? Les paris sont lances!
La lecture du "Kathmandu Post" ou autres quotidiens nepalais ne m'eclairera pas davantage; le Nepal remporte la sinistre palme du plus grand muselage de la presse, pays au plus grand nombre de journalistes en prison ou tortures selon "Reporters Sans Frontieres".

Nagendra a deja beaucoup voyage et reve de parcourir le monde. Comme un passeport nepalais ne vaut rien aux frontieres occidentales, il voudrait obtenir les papiers d'identite europeens par un mariage arrange. Je me retrouve a lui promettre en toute illegalite de faire appel aux amatrices autour de moi a mon retour... me gardant toutefois de toute garantie de resultats!!
A Chitwan, aussi incroyable que cela puisse paraitre, je rencontre mon premier Belge depuis cinq mois et demi que je voyage; un Gantois illumine, adepte du Chamanisme, conseiller en fiscalite pour l'Eglise catholique dans la vie courante, et ecrivain a ses heures. Ses livres portent sur le Chamanisme d'une part, et sur la stupidite des lois fiscales belges d'autre part. Si je ne connais rien au premier sujet, j'imagine que le second doit etre source d'inspiration inepuisable... Il nous raconte avec un rire communicatif comment il conseille a ses lecteurs de ne pas respecter le droit fiscal etant donne que tout le monde, a commencer par les legislateurs, s'en fout!
Je ne vais pas m'aventurer dans la description du Chamanisme puisqu'apres une soiree entiere a en discuter avec lui et David, tout ce que j'en ai compris est la veneration de la nature, et la croyance en une force cosmisque qui lie tout etre et toute chose (peut-etre que Ced-Ankou de par ses origines bretonnes pourrait vous en dire plus? :-)), mais ce Chaman semble convaincu que les scientifiques se trompent sur la creation de l'univers, et que, bornes, ils refusent de l'ecouter.. lui qui sait!! A borne, borne et demi!

D'apres lui, 2012 est la date de fin du monde, et donc la naissance d'une ere nouvelle... faite d'amour.. ou de haine... Je ne peux evidemment pas vous dire s'il a raison; tout ce que je peux vous dire avec certitude, c'est qu'il appartient a chacun de nous de choisir...

Notre Gantois a laisse sa femme comprehensive et ses enfants derriere lui pour venir au Nepal apprendre de ses villages recules la pratique de sa religion. Il parcourt des lors le Nepal d'experiences mystiques en transes diverses lui permettant de voir le cosmos de facon plus claire... Evidemment, des pensees aussi profondes ou revelations absolument transcendentales ne viennent pas toutes seules, et notre chaman s'aide pour ce faire de champignons et autres substances hallucinogenes dont il faut taire l'existence a sa femme restee au bercail...
Re-rencontre par hasard a Kathmandu quelques jours plus tard pour partager une biere, il nous deballera fierement ses derniers achats d'herbes illicites, decus neanmoins que nous n'y pretions qu'une attention tres moderee...

Le lendemain s'annonce etre une journee sportive puisque David et moi decidons de louer un velo pour aller admirer le lieu dit des 20,000 lacs, qui est une des attractions de Chitwan. Notre objectif change toutefois en cours de route lorsqu'on croise deux autres cyclistes nous expliquant que les 20,000 lacs ne sont en fait qu'un seul en saison des pluies, et 20,000 malheureuses flaques de boue en saison seche....
Mais les changements de programme sont ce que je prefere; cela laisse toujours la place a plein de surprises, qui, lorsqu'elles sont belles vous offrent de divins souvenirs... Au diable donc les 20,000 lacs! Laissons maintenant les chemins de campagne nous guider!
On se trouve etre en plein "logan", ou periode de chance selon les calendriers astrologiques nepalais -dont la population est friande et tres croyante...c'est a dire aussi une periode propice aux mariages se celebrant sous les meilleures augures des etoiles. Partout dans Chitwan et ses alentours resonnent les tams tams pour accueillir les futurs maries.

En rase campagne avec pour toile de fonds les montagnes enneigees de l'Himalaya, j'assouvis mon desir d'en savoir davantage sur cette tradition en stoppant mon velo devant un groupe de femmes joviales dansant au rythme des percussions. On a a peine le temps de poser notre velo, que les gens viennent a notre rencontre pour qu'on se joigne a leur fete. La ceremonie se deroule devant la maison du futur epoux. Sa soeur danse au beau milieu d'une dizaine de femmes de tous ages improvisant des chants d'amour. L'assemblee etant exclusivement feminine, on s'assure que David peut s'y joindre, mais cela semble ne poser aucun problemes.
Comme invites surprises aussi inhabituels et exotiques que Costa Ricain et Belge, David et moi nous faisons inviter a danser a tour de role (et manifestement, il est hors de question de refuser l'invitation!) au centre d'un public hilare. David enchaine en jouant du djembe entoure d'enfants en extase... Au loin, un groupe de jeunes garcons nous fait signe de les suivre vers la maison d'a cote ou les hommes se restaurent. On vient de dejeuner, mais les gens insistent pour nous offrir a manger. On se retrouve donc, malgre nous, une assiette debordante de riz et portion de viande au gout et texture non identifiables a la main. Comme toujours les questions fusent de partout, et personne, a part David et moi, ne semble en etre jamais rassasie. On pose a leur demande pressante pour une photo de groupe, puis avec chacune des personnes individuellement.. sans doute volera t-on la tete d'affiche de l'album de mariage?!!
Apres avoir ingurgite 2 platees de riz et endure une bonne dizaine de poses photo, les garcons qui nous avaient au prealable invite a partager le repas, nous proposent maintenant de gouter a l'alcool local. N'etant pas encore l'heure de s'enivrer, on part comme de jeunes ados gouter leur breuvage alcoolise en cachette dans la maison en terre de l'un d'eux. David et moi sommes les seuls a boire; les autres etant encore a une annee de leur majorite, ne veulent en aucun cas manquer de respect a leurs parents en buvant de l'alcool! (A t-on manquer quelque chose dans notre education occidentale?? ;-))
De retour a la ceremonie en catimini, on arrive pile pour l'arrivee des jeunes maries.
La mariee vient de la ville de Pokhara; certainement elevee de facon plus liberale, ou tout au moins dans une ville ouverte vers l'exterieur de par le tourisme, elle se retrouve maintenant, par un mariage arrange, a 9 heures de bus de chez elle, dans un village perdu pres de la frontiere indienne, avec pour mari un parfait etranger qu'elle n'avait sans doute jamais rencontre auparavant!
Les mariages arranges sont chose courante au Nepal, et encore bien ancres dans les moeurs, meme celles des jeunes generations. La mariee s'effondre en larmes alors que tout le monde danse autour d'elle en jetant de l'eau et du riz teintes de rouge, couleur porte bonheur.

Dans quelques minutes, elle sera accueillie par sa belle-famille dans ce qui sera sa nouvelle maison... et sa nouvelle vie.
Il est l'heure pour nous de reporter notre velo de location; dommage, je serais bien restee avec eux jusqu'aux petites heures... bien que le chagrin et le tourment de cette jeune fille me laisse comme un arriere-gout amer dans la bouche...