jeudi 22 novembre 2007

World Trip # 16: Kafka's Delhi Airport

Pour arriver a Kathmandu, il me faut encore traverser en avion l'ocean indien jusque Delhi, mais surtout affronter les 17 heures d'attente dans l'aeroport de la capitale indienne.
L'aeroport de Delhi ressemble a un gros chantier poussiereux dans lequel se seraient egares 2-3 magasins disparates mal ravitailles. Je n'ai pas de rupees pour m'acheter de quoi manger, et plus aucun livres a lire... Cette attente va me sembler une eternite!
Avant ca, je dois me heurter a l'administration douaniere et aeroportuaire... une administration kafkaienne servie par des gens incapables et non complaisants.

Comme je n'ai pas de visa indien et que ceux-ci ne sont delivres que par les ambassades, je n'ai pas le droit de sortir de l'aeroport. Comme j'ai change mon billet Delhi-Kathmandu, celui que je possede n'est plus valable et ne me donne pas acces a la salle de transit. Pour obtenir le droit de me rendre en transit, je dois sortir de l'aeroport et me rendre au comptoir d'Air India qui me delivrera un nouveau billet... on tourne en rond!

Le douanier me dit d'aller m'asseoir en attendant qu'ils decident de mon sort. Quelqu'un viendra me chercher m'assure -til... M'asseoir ou? Attendre qui? Pourquoi? Il ne consentira jamais a me le dire... Je vais attendre deux bonnes heures sur un banc au milieu de la nuit. Chaque fois que je vois passer un employe de l'aeroport, je le supplie que quelqu'un s'occupe au moins de recuperer mon sac qui doit etre en train d'effectuer sa 365,598ieme giration sur le tapis roulant des bagages; ils me promettent tous sans exception qu'ils vont revenir dans 5 minutes pour m'aider... je ne reverrai jamais aucun d'entre eux.

Au bout de deux heures, quelqu'un surgit de nul part pour me faire promettre 10 fois de suite que je ne mens pas quand je declare avoir une place reservee dans le prochain vol vers Kathmandu. Il est mon sesame vers la salle de transit, je serais de toutes facons prete a lui promettre n'importe quoi! Quand je lui parle de mes bagages que je voudrais recuperer, son regard se perd au loin... et quand il revient a notre conversation, c'est pour me faire une reflexion du genre "Vachement bien roulee la nana la-bas.. qu'est ce qu'elle est bonne!"... Non mais dites moi que je cauchemarde!!!
Il griffone des choses illisibles d'un air serieux sur un papier et me dit que quelqu'un viendra me chercher pour moi embarquer, avant de s'evaporer aussi vite...

Je n'ai toujours pas de cartes d'embarquement, pas de nouvelles de mon sac, je ne sais pas qui viendra me chercher, quand, comment cette personne va me retrouver et me reconnaitre... lorsque je m'aventure a demander a un employe de l'aeroport de me donner davantage d'explications, on m'indique illico une autre personne a qui m'adresser... Ce cirque va durer une bonne heure avant que je ne capitule.

Je me resigne a m'enfoncer dans un des rares sieges en plastique casse de la salle de transit et prendre mon mal en patience... J'ai encore 14 heures d'attente devant moi. L'airco est casse, l'air poussiereux et brulant semble manquer d'oxygene.

11 longues heures d'attente a tenter vainement de dormir... 3 heures avant l'heure theorique d'embarquement, je repars affronter les dragons bureaucratiques...

Je demande a voir une personne d'Air India pour obtenir mon carton d'embarquement... Quelqu'un va venir dans 5 minutes m'assure t-on... plus de deux heures s'ecoulent et quelqu'un doit toujours venir dans 5 minutes! Je deviens dingue!!
Un type d'une cinquantaine d'annees qui verifie les passeports semble se preoccuper de ma situation,- Miracle, un eclair d'espoir me traverse!- il me promet d'aller chercher un responsable pour m'aider, mais ne semble pas reellement presse. Au lieu de ca, il me tourne autour et me demande si je suis mariee, si j'ai un copain, si je voyage seule, si je veux visiter Delhi avec lui... Je decline l'offre, et son aide aussi par la meme occasion; il repassera quand celle-ci sera moins interessee...

L'espoir viendra finalement de Shyam, un Nepalais habitant Amsterdam qui se trouve dans le meme petrin que moi. On reussit a choper deux bagagistes d'Air India; avec une si belle prise, on ne les lachera pas! Ils nous promettent de revenir avec nos boarding passes dans 5 minutes.. ces fameuses et detestables 5 minutes! mais repassent sans cesse devant nous les mains vides... Finalement, 15 minutes avant l'embarquement, ces passes tant desires nous sont remis... Shyam m'avoue qu'il a paye un bakchich... j'allais presque croire au prodige!
L'un des deux bagagistes vient me reclamer un "tip", mais je menace de le denoncer... Quant a mes bagages; toujours pas de nouvelles. Je n'ai plus la moindre energie: en cet instant, je prefere encore les perdre plutot que de me battre a nouveau cotre une barriere d'indifference apathique.

Shyam et moi, on court pour passer les controles de securite. Notre avion decolle dans 10 minutes! Arrives a la salle d'embarquement, personne et aucune trace d'Air India... On attend une bonne demi heure desabuses, ne sachant pas si on vient de rater notre vol. Finalement un Anglais vient nous dire que le vol a ete annule sans aucune autre forme de precision. Retour bredouille a la salle de transit. On va mettre une bonne demi heure pour trouver un employe a qui il faudra arracher une explication; on va tous nous mettre dans un autre vol qui partira le soir (on est le matin). Quel vol? Y aura t-il de la place pour tout le monde? A quelle heure exactement? Quand va t-on recevoir nos nouvelles cartes d'embarquement? Autant de questions pour lesquelles s'aventurer a obtenir une reponse est aussi temeraire que partir a la conquete su Saint-Graal.

Je vais retrouver depitee mon minable fauteuil en plastique pour de nouvelles tres longues heures d'attente... L'avion est finalement annonce a 19.15. On ne sait pas si tout le monde aura une place.
A 16h, les passagers commencent a reclamer de pouvoir voir un responsable d'Air India pour obtenir les nouveaux boarding passes, Shyam et moi les observons de loin s'enerver et se faire dire, trois durant, que quelqu'un va arriver dans 5 minutes...

15 minutes avant le decollage annonce, les cartes d'embarquement nous sont delivrees, on se precipite une deuxieme fois vers la salle d'embarquement... Pas d'avion. On apprendra une heure plus tard que celui-ci est toujours a Kathmandu!

En attendant je fais la conaissance de plusieurs passagers venus de partout: Inde, Bangladesh, Nepal, Chine... Quand je leur explique que je suis la depuis quasiment 24 heures, je deviens leur mascotte.. Ils viennent chacun a leur tour me proposer a boire, a manger, me ceder leur place assise, me preter leur GSM pour moi telephoner, me demander toutes les 5 minutes si je vais bien... un petit moment de gloire ;-)

Shyam insiste pour m'inviter a rester loger dans sa famille a Kathmandu. Je me sens genee d'accepter une telle offre...

A 11h du soir, on embarque enfin. On ne quittera pas la piste avant une heure du matin. Il est 3h du matin quand, arrives a Kathmandu, Shyam me presente a toute sa famille venue l'accueillir. On s'echange nos coordonnees, et on promet de se revoir....

Apres ces dernieres semaines de galere, je vais enfin pouvoir connaitre un peu plus de serenite a Kathmandu!

mardi 13 novembre 2007

World Trip # 15: Kenya - Madagascar

Après mon après-midi chahutée à Dar Es Salaam et une bonne douche, je fixe rendez-vous à Fary. Pas physionomiste pour un sou, je me rappelle très vaguement de sa tête. Ca me donne la desagreable impression de me rendre à un blind date... Finalement lui me reconnaît tout de suite, et on est tous les deux ravis de se revoir !
Comme notre soirée passée avec le New-Yorkais Jason il y a 4 mois avait porté sur la politique et un débat jusqu’au petit matin sur la religion, j’offre à Fary le livre du biologiste Richard Dawkins que Jason m’avait recommandé et que je viens de terminer: The god delusion, 300 à 400 pages d’arguments en faveur de l’inexistence de Dieu. Fary en profite pour me parler de sa difficulté à vivre en tant qu’athée dans un pays musulman, qui plus est, chez une mère extrémiste.
Depuis que son père, modéré, est mort, sa mère semble s’être plongée corps et âme dans la religion, obligeant ses enfants à apprendre l’arabe "pour mieux communiquer avec Dieu", étudier le coran, observer le ramadan, et pratiquer 5 fois par jour la prière à l’appel du Muezzin.

Le malheureux me raconte qu’il a brossé tous ses cours d’arabe (ce qui conduit à pas mal de malentendus entre lui et Allah ;-)), qu’il boit de l’alcool et mange du porc, et pour finir, il se fait tirer du lit par sa mère à 5h du mat tous les jours, fait ses ablutions, mais va se recoucher en cachette aussitôt.
Non seulement avec tous les péchés qu’il a déjà commis, il n'a aucun doute sur sa place réservée en enfer, mais aussi et surtout, incroyant, il en a eu marre de mentir à tout le monde, à commencer par lui-même. Il y a quelques semaines, il a tout balancé à sa mère ; 15 ans de mensonges. La pauvre femme ne s'en est toujours pas remise, lui cherche un boulot mieux rémunéré pour se barrer de chez lui au plus vite avant que sa mère ne le dilapide sur la place publique.

On va manger un bout dans le seul endroit ouvert ce jour férié : un grand complexe de fast foods avec animations à la Ronald Mc Donald pour les gosses. C’est le rendez-vous du dimanche soir pour les familles, et moi je suis la seule personne de sexe féminin au dessus de 10 ans non voilée.

Après le repas, on retrouve Nashi, une Israélienne que Fary a tiré du pétrin. A la sortie d’un bus, elle s’est faite emmenée dans un endroit désert par son taxi, et volé toutes ses affaires, papiers et cartes de crédit compris. Fary qui avait été son guide l’a retrouvée par hasard en rue, tremblante et en larmes, et lui a donné de l’argent pour elle se loger et manger. Elle voulait voyager un an avec des amis, elle rentre au bout de 2 mois dégoûtée. Elle me raconte que ce n’est pas tant son agression qui la pousse à retourner à la maison, mais le fait qu’elle ne supporte plus de se faire siffler sans cesse, et aborder dans la rue par tous les vicieux dilettantes.
Elle n’arrête pas de me demander comment je tiens le coup seule et surtout blonde ; elle connaît une fille qui a été jusqu’à se teindre les cheveux en noir, espérant passer inaperçue.

D’après moi, mzungu et fille sont deux caractéristiques déjà amplement suffisantes pour attirer l’attention...
Neanmoins, je la comprends et compatis ; sans Puncque ou mes amis à mes côtés, l’attitude des hommes est totalement différente à mon égard, ... même si je persiste à dire que le Malawi reste un cas de tranquillité et sérénité à part.
Il faut savoir prendre sur soi et beaucoup de recul pour supporter d’être sans cesse le centre d’attentions salaces et malveillantes. Elle, ne sort plus de son hôtel en attendant son avion de retour.

Pour utiliser un terme à la mode, ce sont les dégâts collatéraux du tourisme à tous vas dans des endroits traditionnellement très conservateurs, des effets desquels j’avais longuement parlé dans mon dernier post sur l’Inde, et qui m’en avaient fait repartir complètement désenchantée. Ca ne m’a pas empêché de rencontrer des gens attachants dont Fary fait partie, et c’est surtout ce qui me donne la force d’ignorer les autres.


On convainc Nashi de sortir de sa tanière, et on philosophe une dernière fois à 3 quasi toute la nuit. A l’aube, il faut déjà que je reprenne la route pour Nairobi: Les prévisibles imprévus des bus me forcent à me garder quelques jours de marge.


C’est reparti pour 15 heures de bus ! Dans les plaines on peut apercevoir les gracieux et superbes guerriers masaïs. On fait une halte à Arusha, puis à la frontière kenyane, il faut à nouveau se soumettre à l’administration avec ses heures de files et remplissage de papiers. La femme à côté de moi lorgne mon document comme tricherait une gamine de primaire. Je m’aperçois très vite qu’elle ne sait pas lire ni écrire, et l’aide à remplir son papier. L’infortunée traverse simplement la frontière pour aller vendre ses légumes au marché, et a du mal à comprendre la notion de transit ou de douane. Elle me remercie 1000 fois de l’avoir secourue des difficultés administratives, et bientôt, c’est carrément un attroupement d’une dizaine de femmes me demandant de les aider qui se forme devant moi. Ma file fera très vite concurrence à celle du douanier qui m’observe incrédule!


Au Kenya, les routes sont aussi dangereuses et défoncées que partout ailleurs en Afrique, mais la police exige de tous les passagers qu'ils attachent leur ceinture… On met les priorités où l’on veut pour améliorer la sécurité routière… et surtout, ca les aide à recolter les bakchichs..


J’arrive à passé vers minuit à Nairobi, crevée de ma journée passée dans un bus poisseux. Nairobi est une ville comparativement très chère, mais l’appel de la douche chaude a raison de mon portefeuille, je m’offre le luxe d’un hôtel avec chauffe-eau! C’est fou ce que les petits conforts du quotidien occidental peuvent faire sentir leur manque en voyage au point que cela en devient obsédant.


A Nairobi, la malchance continue de me poursuivre ; le boiler de l’hôtel est en panne. Le tenancier, tentant sans doute de faire diversion, me fait changer 3 fois de chambre... sans résultats. Intraitable sur le discount que je lui réclame, j’en ai marre. A 2h du mat je remballe mes affaires, saute dans un taxi et vais m’installer dans le dortoir décrépi d’un hôtel puant. On y dort avec les rats...


J’ai la journée suivante pour vadrouiller dans Nairobi dont la réputation ne fait pourtant pas envie. Légendes urbaines ou faits réels; la rumeur dit de Nairobi qu’elle est l’une, si pas la plus dangereuse ville d’Afrique dans laquelle il est suicidaire de sortir le bout de son nez une fois la nuit tombée. La violence serait telle que même en pleine journée on s’expose au risque d’une aggression ou même d’une balle perdue. Les gens en auraient à ce point marre que les criminels pris sur le fait sont tabassés à mort par la foule, brûlés vif, mis en pièces manu militari, bref se font littéralement lynchés.


Je déambule toute la journée sans aucun problème dans le centre auquel je trouve même un certain charme énigmatique. Le soir, je m’offre un méga Osso Bucco et un petit chianti dans un restaurant italien.
Lors de mon dernier mois à Nkhata Bay au Malawi, la saison sèche avait restreint le choix de légumes à des tomates et du chou, quelques poivrons les jours fastes… difficile dans ces circonstances de ne pas trouver à cette grosse gourmandise une saveur inégalable ! !

Pendant que je me régalais, la nuit est tombée... je décide néanmoins de rentrer à pieds. Si je me sens mal à l’aise, c’est décidé, j’appelle un taxi. Je parcourrai finalement le petit kilomètre qui me sépare de mon dortoir sans l’ombre d’une menace. Nairobi coupe-gorge...info ou intox ?

Le lendemain, après une nuit à vomir mon Osso Bucco – mon estomac a visiblement du mal à encaisser les décalages alimentaires- je m’envole vers Madagascar. L’avion a de nombreuses heures de retard, le gouvernement ayant fermé tout l’espace aérien pour permettre à ses militaires de s’y entraîner. Je ne resterai qu’une petite semaine à Madagascar. Écourter le séjour est nécessaire si je veux arriver au Tibet avant que les neiges de l’Himalaya ne m’en empêchent.


De toutes facons, je vais à Mada avant tout pour revoir John Cool, le guide rasta avec qui Carlos et moi avions sympathisé... il y a 3 ans déjà. De la capitale Tana, je me rends sans attendre en taxi-brousse à Antsirabe où il vit désormais avec sa nouvelle femme et son petit bébé de 4 mois. On passera quelques jours ensemble au cours desquels j’irai souvent manger chez lui.

Ses progrès sont fulgurants ! Quand on l’a connu Carlos et moi, il se faisait exploiter pour quelques aryaris, et ne possédait rien d’autres qu’une petite valise dans laquelle se perdaient une paire de lunettes de soleil et 2 boubous. Trois ans plus tard, il n’a plus de dreadlocks mais a pris de serieux kilos... Il a toujours le GSM qu’on lui avait envoyé (Merci Ced ! !), ce qui lui a permis de s’installer à son compte et avoir ses propres clients. Il a aussi constitué son propre book avec des lettres de référence et ses contrats. Il a également son propre réseau d’intermédiaires.
Il ne dort plus à la rue mais loue un flat (qui se limite quand même à moins de 10 m² pour eux trois). Je le revois encore lisant maladroitement son bout de papier déchiré sur lequel était griffonnés 2-3 noms d’animaux. Aujourd’hui, il reconnaît et cite par cœur tous les oiseaux et lémuriens. Je suis réellement pleine d’admiration !!
Tout le plaisir de le retrouver sera néanmoins gâché par le fait qu’il passera les derniers moments avant que je ne parte à solliciter sans cesse de l’argent. J’avais préparé de quoi lui laisser en partant ; mais le zèle avec lequel il prend les devants me coupe les jambes. Je ne sais qu’en penser…

L’île de Mada quant à elle est toujours aussi enchanteresse, les paysages toujours aussi beaux, les vieilles Peugeot et Renault 4L moribondes (dont certaines encore avec le sigle Belgacom sur les vitres !) arpentent toujours péniblement les rues. Je ne me souvenais plus à quel point les gens étaient physiquement très asiatiques, ni de leur drôles d’accent.


A Antsirabe, tous les endroits que j’ai connu sont, 3 ans plus tard, toujours là, mais ont tous changé au moins une fois de propriétaire… John Cool m’explique que l’économie va au plus mal. Le travail se fait de plus en plus rare, les prix augmentent vertigineusement, les gens ont tous les jours plus de mal à se nourrir.


D’Antsirabe, je ne sais pas trop quoi faire, je ne dispose pas de beaucoup de jours, et je n’ai trouvé aucun guide touristique sur Mada. Comme dirait Xitito, partir sans Lonely Planet… ça c’est l’aventure !! ;-)
Je parviens finalement à emprunter pour 10 minutes le Guide du Routard d’un couple de français, et décide de partir pour Ambositra au sud, où paraît-il, on peut faire de belles ballades dans les montagnes. Sur les 5h de trajet on nous fait changer 3 fois de taxi-brousse sans raisons apparentes, et sans fournir d’explications. Dans le dernier d'entre eux, je me retrouve comprimée à côté d’un détraqué qui se met à me caresser la jambe et chatouiller le ventre, ... décidément ! Je lui jette d’abord des regards assassins, lui repousse les mains en me collant de plus en plus à la portière. Au bout d’un quart d’heure, ne pouvant plus m’éloigner davantage de lui, j’ai envie d’hurler. De rage je lui écrase mon poing sur la main; il me regarde avec un sourire niais et béat... Heureusement pour moi, on déposera ce désaxé quelques kilomètres plus loin. J’étais déjà en train d’élaborer un plan pour éviter qu’il ne puisse me suivre…


J’arrive à Ambositra sous la drache et la nuit déjà tombée. Le chauffeur est adorable et me dépose pile à l’entrée de ma guesthouse. Le soir je me sens patraque et ai du mal à manger. Je fonce tout droit dans ma chambre pour vomir… Ca durera trois jours et trois nuits durant lesquelles je perdrai quasiment la notion de temps. Comateuse, je ne reprends régulièrement conscience que pour aller soulager mon estomac. Lorsqu’enfin je trouve la force de m’habiller et me tirer du lit, on est dimanche, tout est fermé. Je me contenterai de bananes qu’un petit gosse vend en rue.


Je dois à tout prix reprendre le taxi brousse vers Tana d’où part bientôt mon avion. Cette fois, la fille à mes côtés a le mal du transport, elle vomit ses tripes tout le trajet dans un sachet plastique... et dans les tournants, sur mes chaussures : avec mes nausees persistantes, pile exactement ce qu’il me fallait ! !


Tana a un petit côté franchouillard vraiment sympa, ne serait-ce que dans la cuisine… on peut y déguster du foie gras ou des andouillettes ! Malgré mon état misérable, je visite la ville à pieds au hasard des chemins...car toujours sans guide. A chaque détour de rue, des petits kets en haillons vous supplient de leur donner de l’argent ou de la nourriture, des vendeurs à la sauvette s’obstinent à proposer leur marchandises aux touristes : calculatrices, parasols, lampes de bureau, vase, etc. Je me demande bien quel touriste repart avec un parasol dans sa valise… Mais de quoi survivent-ils donc? ?


Je prends l’avion le lendemain à 3h du matin et commence ma longue épopée vers le Népal : Tana- Maurice, Maurice- Delhi, Delhi- Kathmandu, entrecoupés de longues heures d’attentes dans les salles d’embarquements accueillantes, distrayantes et chaleureuses… Tu parles!!!


A l’aéroport de Maurice je rencontre le beau Juan, un surfeur espagnol victime d’overbooking par Air France. Il vit à Tarifa et exerce deux métiers, le premier consiste à tester le nouveau matériel de Kite Surf pour une grande marque, le second être photographe pour un magazine de Kite Surf, et donc voyager pour shooter sur les plus belles plages du monde… Y a plus désagréable !

On s’encourage mutuellement pour mieux s’accommoder des 18 heures d’attente sur les banquettes inhospitalières du Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport....

samedi 10 novembre 2007

World Trip # 14: Tanzanie

Comme une voleuse, sur la pointe des pieds, j’ai quitté Nkhata Bay. Je n’ai jamais été spécialement douée pour les adieux… Mes amis savent de toutes façons, mieux que moi encore, que les amoureux du Malawi finissent toujours par revenir… On optera donc pour des aux revoirs discrets, laissant pour d’autres les adieux larmoyants.

De Nkhata Bay, je dois entamer ma longue remontée via la Tanzanie vers Nairobi où l’avion m’attend pour Madagascar. Quelques jours avant de partir, j’avais écrit à tout hasard à Fary, rencontré il y a quasi 4 mois lors de mon premier passage à Dar Es Salaam (voir World Trip # 1) pour le prévenir de mon éventuelle étape à la capitale. Quel ne fût pas mon étonnement de voir la vitesse éclair et l’enthousiasme avec lesquels il avait répondu qu’il m’attendrait de pied ferme à la gare de bus, et se ferait un plaisir de jouer mon guide pour toute la durée de mon séjour en ville !! Mon bus part le vendredi soir de Mzuzu, son arrivée est prévue pour samedi soir : pile parfait pour les sorties du weekend et s’offrir une petite halte bien sympathique !

J’arrive à Mzuzu avec le dernier taxi-brousse de 18.30, mon bus pour la Tanzanie est sensé partir à minuit…minuit africain. Il me faudra m’armer de patience. J’en profite pour passer dire au revoir aux amis dans le jardin de qui on avait campé plus de deux semaines, et confirmer mon billet de bus. Je me risque à demander la place derrière le chauffeur où l’on dispose de quelques cm³ de plus bien appréciés, et généralement sauvagement disputés, pour étendre ses jambes. Le type qui vend les billets sur le coin de table d’une petite gargote me répond avec un sourire narquois et sirupeux qu’il n’y a pas de problèmes, et gribouille distraitement un numéro sur mon ticket.
Trop simple, trop facile ; soit j’ai du bol ce soir, soit ça va bientôt sentir l’arnaque à pleines narines !

J’attendrai jusque 2h du matin dans la gare de bus qui se fait de plus en plus glauque et menaçante au fur et à mesure que le soleil disparaît pour laisser place aux étoiles. Prudemment, je vais me coincer sur des marches entre deux femmes submergées de paquets de toutes sortes, un gosse leur tétant un sein, un autre assis sur ce qui leur reste de jambes libres.
Seule mzungu, blonde de surcroît, ça ne m’empêchera malheureusement pas de me faire plusieurs fois aborder de façon obscène et libidineuse par les petits mâles écervelés du coin. Parfois, il vous siffle à travers la gare telle une chienne bien dressée que l’on rappellerait au pied. Malgré leur insistance lourde et horripilante, je les méprise et les ignore, enfonçant davantage ma tête entre les jambes, portant tout le fardeau de honte qui leur reviendrait pourtant d’endosser.

2h du mat donc, après 8 longues heures d’attente parsemées d’humiliation et alourdies de froid et de fatigue, un bruit de moteur agonisant se fait entendre, et le bus pointe enfin le bout de son nez…Il quitte le Malawi chrétien pour la Tanzanie musulmane ; les autocollants et bariolages « In God we trust » ou « Jesus is my Lord » décorant habituellement les véhicules font maintenant place à des « Allah Akbar ». Je ne peux pas me tromper de destination !
Mes craintes et suspicions d’arnaque se confirment ; le bus est déjà plein comme un œuf. Les gens impatients et ayant également flairé l’embrouille se précipitent sur la porte du bus comme les passagers du Titanic sur les chaloupes de secours. Ils se bousculent comme s’il eut s’agit d’un combat de catch !
Devant avant toute chose m’assurer que mon sac à dos est bien embarqué, je dois déclarer forfait au combat pour gagner mon siège… Il n’y a plus de places dans les coffres, on charge tant bien que mal mon sac par la fenêtre. Lorsqu’enfin je peux monter dans le bus, il n’y a plus un seul espace de libre là non plus; je me suis faite avoir dans les grandes largeurs ! Folle de rage, j’attrape la personne qui m’a vendue le billet par la manche et commence à le traiter de voleur en hurlant. Je le somme de m’assurer une place, et pas n’importe laquelle, celle derrière le chauffeur comme promis ! Évidemment tout ce cirque est juste pour la forme et calmer mes nerfs : quand on se fait plumer en Afrique, on n’a personne contre qui se retourner. Mes insultes hystériques glissent sur la carapace de son indifférence : « cours toujours ! ».
Finalement, il me fait signe d’embarquer dans un taxi brousse ; je pourrai d’après lui monter dans le bus une fois qu’on aura débarqué quelques personnes à la frontière. Otage de son traquenard, je me vois contrainte et forcée d’accepter, mais je lui ressaisis le bras et promet de ne pas le lâcher tant que je n’ai pas récupérer mon sac à dos toujours à l’intérieur. : je n’ai pas confiance, on se demande bien pourquoi… Plus par lassitude que par peur (« Elle commence sérieusement à me gonfler la blondasse » pensait-il bien fort…), il me remet mon sac et entasse tous les laissés-pour-compte dans un taxi brousse pourri (un pléonasme !;-)).

Il est maintenant 3h du mat et j’en ai sacrément ma claque ! Le dossier de mon siège est cassé, je n’ai aucun appui. Mes sacs sont empilés à la place des mes jambes, ce qui m’oblige par manque d’espace à adopter la position fœtale. On est comme à l’habitude compressés à 4 par banquette, mais cette fois les fenêtres sont bloquées ; la chaleur devient vite insupportable et étouffante. On suffoque dans les odeurs de transpiration, mêlées à celles plus rances encore des sardines séchées qui suintent des caisses empilées à l’arrière. Je tombe à la renverse à chaque fois que mes paupières se ferment de leur propre volonté et que mes muscles se relâchent La torture durera plus de quatre heures. Voyager en taxi brousse n’a jamais été commode ni plaisant, mais c’est la première fois que cela s’apparente autant à du transport de bétail.

A Karonga, dernière ville avant la frontière tanzanienne, on retrouve le bus duquel on débarque les caisses de marchandises coincées sous les sièges des passagers ; il semble en régurgiter par toutes ses fenêtres. Il est quasiment impossible de concevoir que ce bus ait pu avancer quand on voit s’amonceler au sol les lourds cartons de toutes espèces. On nous fait maintenant monter à bord ; le combat de catch reprend ; tout le monde joue des coudes pour être le premier dans le véhicule. Partie perdue une fois encore pour moi ; je devrai rester debout dans l’allée centrale.
En entrant dans le bus, je découvre le chauffeur complètement anesthésié et mollement avachi sur son tableau de bord. Il a dû s’endormir si profondément et si soudainement qu’on croirait qu’on l’a descendu d’une balle dans la tête… C’est vraiment pas bon signe !

Après deux heures de trajet transbahutée et debout, des gens quittent le bus, un groupe de jeunes types me fait signe qu’il y a maintenant une place de libre près d’eux sur la banquette du fond. Ouf !
Première question qui pue : ai-je un petit ami ? Je réponds d’emblée que je suis mariée, et que je rejoins d’ailleurs mon mari à Dar Es Salaam (Fary fera très bien le mari !). Le type à côté de moi est coriace et ne se décourage pas pour autant : maintenant qu’il a une petite blonde à portée de mains, il ne va pas abandonner sa proie si facilement ! Il me saoulera tout le voyage pour avoir mon numéro de téléphone, m’inviter à sortir avec lui à Dar… Il se collera sans cesse à moi par une inadvertance bien calculée… La vétusté du bus joue en plus à son avantage : les amortisseurs sont morts, à chacun des très nombreux trous sur la route, on fait des bonds gigantesques sur son siège pour retomber les uns sur les autres… lui bien souvent sur moi…Au secours !
Je devrai feindre de dormir tout le long du trajet, mais au moindre mouvement de mes paupières, il réattaque !
Il y a encore des tas de gens forcés à voyager debout ; j’ai beau être assise à côté d’un harceleur collant sur un siège dont la barre de fer me broie le dos, je dois m’estimer chanceuse ! Je n’oserai d’ailleurs pas quitter une seule seconde ma place de peur qu’on me la prenne d’assaut…

Le samedi soir vers 21h, on approche Dar Es Salaam lorsque le bus est soudainement stoppé par la police.
On ne connaîtra jamais les raisons exactes, sans doute un bakchich jugé insuffisant, mais le bus restera immobilisé en pleine brousse pendant plus de douze heures ! Fary pourra m’attendre ; on n’arrivera à Dar que le lendemain midi…
En attendant, ayant défendu avec férocité ma place assise, je suis restée un jour et deux nuits sans aller à la toilette, sans rien manger ni boire… juste faire semblant de dormir… L’épreuve était d’autant plus difficile que mon harceleur collant me ramenait à chaque halte de la nourriture ou des boissons espérant ainsi m’amadouer. Malgré les odeurs alléchantes et mon estomac suppliant, je refuserai chacune de ses offres afin de ne pas l’encourager dans sa vaine entreprise de m’attendrir…

Une fois arrivée, je propose finalement à Fary de ne se voir qu’en fin de journée ; je suis tellement lasse et fatiguée que je préfère ne faire supporter ma compagnie qu’à moi-même… J’ai une dalle d’enfer, mais toujours pas de veine : c’est un jour férié musulman, et trouver quelque chose d’ouvert dans Dar Es Salaam est on ne peut plus hasardeux ! Je traverserai toute la ville à pied pour ne finalement dénicher que le snack bar d’un hôtel 5 étoiles où les cartes de crédit sont toujours les bienvenues quelque soit le jour de l’année…

Sur le chemin, petite blonde marchant seule, je me fais sans cesse siffler et suivre par les gros porcs du coin. Quelque soit l’endroit du monde où j’ai voyagé, c’est une constante : le plus conservateur vis-à-vis de la femme le pays et/ou la culture est ; les plus salaces, lubriques et irrespectueux les hommes sont vis-à-vis des Occidentales.

Un vendeur de cartes postales vient me coller pour me faire acheter sa camelote. Je lui explique poliment mais fermement qu’il a vraiment mal choisi son jour. Il insiste. Je lui demande de me respecter et me laisser seule comme je l’implore d’ailleurs depuis déjà un bon moment. Il me rétorque que je ne veux rien lui acheter parce qu’il est noir, et me traite de raciste en hurlant pour bien s’assurer que tous les gens autour de nous l’entendent…

Le Malawi me manque vraiment de plus en plus !