mardi 5 décembre 2006

Carnets de route : Myanmar #4

C’est la fin de ce voyage et le retour en plein cœur de la civilisation, et quand on parle de société civilisé on entend par là une société développée sur le plan technologique et économique... L’impression qu’on a eue est que nos sociétés dites civilisées ont beaucoup à apprendre sur le plan strictement humain des ces gens tellement authentiques, affables et entiers.
Vous aurez tous compris, ce n’est pas sans mélancolie et une grande tristesse que nous avons quitté le Myanmar… Tristesse contrebalancée par ce plein d’énergie positive qui nous a été offerte et que nous gardons, précieusement, bien au chaud, tout au fond de nos cœurs.

Les sourires des enfants nous manquent déjà énormément mais on sait, qu’ancrés au plus profond de nous, ils nous aideront à voir d’un œil neuf le monde qui nous entoure et relativiser les épreuves de la vie.

La dernière étape de notre périple prévue était donc une plage tranquille et relaxante perdue sur le golfe du Bengale… la magie du voyage nous a apporté bien plus encore…
Nous sommes partis de Yangon pour Nwaugh Swé en bus… 5h en théorie sur de mauvaises routes, 9h en pratique, puisque le bus a perdu une roue… On était jusque là, pour être sincères, étonnés de pas encore avoir eu de vrais ennuis mécaniques. Voilà, au moins ce fût fait !
Nwaugh Swé, c’est un petit coin du bout du monde ; plage de sable doré, mer bleue argentée entourée de cocotiers avec, de temps en temps, un bateau de pêcheurs à l’horizon. C’est aussi là que nous avons débusqué notre petit bungalow de bambou à même la plage. L’effort le plus important de la journée consistait à se déplacer jusqu’à nos hôtes pour leur demander ce que les pêcheurs leur avaient rapporté… Quelque ce fût, grillé dans une feuille de bananier et mangé sous la voie lactée face à l’immensité de l’océan, toujours un vrai délice ! Seul le bruit tranquille des vagues pouvait nous perturber. Après le riz agrémenté de poissons de rivière séchés servis au petit déjeuner à Palaung, aucune comparaison possible !
Cette plage paradisiaque a subi pourtant de grands bouleversements depuis le mois de Mai. Certes les vagues et le sable argenté sont toujours là mais les cocotiers se font plus rares, et ce qu’il reste du village de bord de mer, ce sont des ruines, le spectacle affligeant de maisons sans toit, détruites, et quelques pêcheurs qui manquent aujourd’hui toujours à l’appel.
Il n’aura pourtant fallu que quelques heures, le temps d’un ouragan et d’une mer démontée qui ensevelît la plage de plusieurs mètres pour réduire Nwaugh Swé en désolation.
Les vieux du village jurent que jamais ils n’ont connu ça auparavant… la faute à qui ? Au climat… Qui change… et en amont à ces gens des sociétés dites civilisées qui pensent que l’infini n’est pas qu’un concept théorique émanant de la grandeur de l’univers mais aussi une spécificité des ressources terrestres. Les riches s’empiffrent, les pauvres payent l’addition…
A Hého des inondations terribles, à Yangon des saisons des pluies anormalement longues, à Mandalay un hiver incroyablement caniculaire.. je vous épargne la description des effets sur les autres pays que nous avons déjà eu la chance de traverser…

C’est bien entendu effrayant de se dire que la côté belge sera bientôt engloutie sous les eaux des glaces fondues d’un iceberg, mais pas besoin de grandes simulations pour déjà voir les méfaits de nos pollutions puant l’aisance sur les pays les plus démunis, peuplés de gens qui pourtant ne consomment que quelques bougies pour s’éclairer, deux bûches pour préparer leur repas, quelques litres d’eau de rivière à peine filtrée pour boire et se laver, et quelques kw d’électricité, les rares heures où ils ont la chance d’en être approvisionnés.

En matière de réchauffement climatique ; les articles, les émissions de télés, les films, les discours, les sonnettes d’alarme basées sur nos peurs, ne seront jamais que des succédanés sans relief de ce que la vision –sur place- de la portée actuelle de cette catastrophe engendre déjà sur ces gens dépouillés de moyens de protection.

La plage de Nwaugh Swé est belle pour nous petits européens mais elle est bien plus belle encore pour ces enfants du pays qui n’ont jamais vu la mer…
C’est au bord de cette plage que nous avons eu le bonheur de croiser une petite centaine d’enfants âgés entre 4 et 15 ans qui découvraient les plaisirs des vagues, accrochés à leur bouée faite de chambre à air, pour la première fois de leur vie.

Ces enfants étaient pris en charge par une ONG agissant au niveau local. Pour la plupart ils étaient orphelins, de parents morts bien souvent du Sida…pour certains autres abandonnés par le seul parent restant, trop pauvre que pour pouvoir les entretenir, et n’ayant trouvé, comme seule solution pour les arracher au travail difficile de l’usine ou des champs, de leur donner la chance d’accéder à l’éducation via ce genre d’organisme.

Pas besoin de grandes phrases détaillées pour vous décrire notre attachement envers eux. Pas nécessaire non plus de s’y lier puisque ces enfants jamais ne pourront quitter la Birmanie sous ordre du gouvernement.

Pourtant ils étaient là, joyeux, pleins d’entrain, rayonnants, jubilants, inventant des jeux inouïs avec comme seuls outils du sable et quelques feuilles de cocotiers…

Ils ont été notre rayon de soleil pendant cette trop courte semaine, et je suis sans voix pour dire à quel point ils nous ont attendris.

Les responsables de l’ONG nous disaient à quel point ils étaient reconnaissants qu’on s’intéresse à ces gosses. Apparemment, ce n’est pas du goût des Occidentaux de s’épancher sur leur cas. Carlos et moi, on en était consternés et on se sentait d’autant plus cons et impuissants de ne pas pouvoir leur apporter ne serait-ce que la tendresse dont ils devaient certainement manquer.
On s’est dit que les faire sourire et leur montrer un intérêt sincère étaient sans doute déjà un petit quelque chose… Alors on a joué avec eux, au foot, à faire des séances photos, à leur apprendre des jeux, à les faire rire de notre Birman approximatif, s’asseoir à table avec eux, à les applaudir lors de leur mini spectacle qu’ils avaient préparé, etc etc… des futilités… rien que des futilités… Un petit ket est venu timidement m’offrir des coquillages qu’il avait ramassés, en cachette et plein de pudeur, c’est ce qu’il avait de plus précieux à offrir puisqu’il ne possédait rien d’autre.… Je vous assure, je pense que c’est le plus beau cadeau que je n’ai jamais reçu. J’en avais les larmes aux yeux.

La plupart de ces gosses souffrent de malnutrition, et pourtant, quand ils ne sont pas isolés (comme sur cette plage) de leur communauté, impossible de les nourrir, ils cachent la nourriture qu’on leur distribue dans leurs poches pour la repartager avec leur famille restante. Le mot Égoïsme ne doit certainement pas exister en Birman.

L’ONG qui s’occupait d’eux estime pour la Birmanie à 20% le nombre d’enfants hors d’atteinte. Hors d’atteinte, cela veut dire des enfants qui travaillent dans des conditions misérables à l’usine, sur les routes, … pour nos compagnies pétrolières occidentales… et qui n’ont accès à aucune aide extérieure.

Abominable ! Et pourtant, je suis certaine que si un jour vous les croiser, ils vous donneront en toute innocence et toute générosité ce qu’ils ont de plus beau à offrir…Un sourire, magique, qui vous réchauffera le cœur….

1 commentaire:

L'Ankou a dit…

Pas mal les photos ;) En dehors de la prose bien sur !