mardi 7 novembre 2006

Carnets de route : Myanmar #2

Etats d'âme...
Cette fois, ce n’est pas pour conter nos aventures que j’écris mais pour faire part de nos états d’âme, bien maigre témoignage de ce qui nous attriste…
« Le bonheur se trouve dans une vie harmonieusement disciplinée », voila pour la devise du Myanmar.
Les gens sont férocement disciplinés... d’une main de maître – de fer devrait-on dire- sanglante… je me questionne toujours sur ce qu’ « harmonieusement » peut bien vouloir dire…

Personne n’ignore que le Myanmar est une dictature : le monde démocratique ne doit avoir de cesse de le dénoncer…
Après avoir été allégrement abusés par ses colonisateurs britanniques, puis par ses « libérateurs » japonais, et encore une fois les britanniques, le Myanmar- alors encore Birmanie- tombe aux mains des militaires par le coup d’Etat de 1962. Depuis lors, mis à part quelques soubresauts sous la forme d’ « élections libres » qui ont valu à leurs vainqueurs de se retrouver en prison, c’est 45 ans d’isolement quasi-total et de répressions.
Isolement aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur.
De l’extérieur, ce sont les pays occidentaux qui ont déclaré un embargo sévère à l’encontre du Myanmar, embargo sensé étouffer le régime en place mais qui semble d’avantage prouver son efficacité dans l’appauvrissement de la population…
Et puis, comme toujours, les intérêts économiques refont surface ; le Myanmar recèle de gisements de pierres précieuses des plus importants après le Brésil… et de pétrole !.. On y revient encore… Rappelons nous une enquête controversée conduite par Mr. Bernard Kouchner sur l’exploitation des enfants birmans par la société française pétrolière Totale.. tiens tiens…


Ensuite le Myanmar a un grand ami : la Chine, pays bien connu pour sa démocratie exemplaire, qui fournit, entre autres, les armes et l’électricité au pouvoir birman. Quand on sait que les pays occidentaux sont loin d’avoir imposé un embargo sur la Chine, on se risquerait peu à comparer l’embargo birman à une mascarade hypocrite… L’embargo est une question de points de vue qui se défendent sans doute chacun…

De l’intérieur, principes fondateurs de toute bonne dictature, les moyens de communication sont sabotés, limités ou carrément interdits. Difficile, voire impossible pour un Birman de sortir du pays en lui donnant toutes les peines du monde à l’obtention d’un visa. Les radios, télévisions, et Internet sont censurés. Les messageries telles Hotmail, Gmail ou Yahoo sont inaccessibles.
Bien sur le gouvernement fait face à des gens bien plus déterminés qu’ils ne pensent ; certaines télés diffusées de l’étranger par satellite sont regardées en cachette dans les foyers et les sites Internet piratés, ce qui permet un certain accès.. J’écris moi-même via des sites piratés sans cesse au rythme de la censure gouvernementale. Les journalistes étrangers se font passer pour des touristes pour se faire ensuite refuser leur visa à vie une fois démasqués…

Dans la vie de tous les jours, cela se traduit par quoi ? Par des gens harmonieusement disciplinés, c’est-à-dire qui ont peur. Le pouvoir a mis en place un système ingénieux qui est celui de la Milice Secrète- des gens dispersés dans la population à la solde du gouvernement- ainsi qu’un encouragement à la délation qui rendent les gens paranos et méfiants vis-à-vis de leur propres voisins ou même famille.
Si le gouvernement tolère les touristes, fournisseurs de dollars bien apprécies, il les empêche dans les faits de circuler librement. De nombreux barrages sont dressés sur les routes du pays pour leur éviter de se perdre la où ils ne sont pas les bienvenus. La Birmanie est faite de nombreuses ethnies avec leur coutumes et langues propres et particulières. Les ethnies minoritaires qui vivent souvent dans les régions plus reculées sont persécutées par la junte militaire ; hommes, femmes et enfants sont enlevés à leur village et soumis au travail forcé…ou simplement « disparaissent »…
Dans tout le pays, les libertés d’expression et de réunion sont bafouées. Ainsi un humoriste birman célèbre dans son pays s’est vu condamné à 7 ans de travaux forcés sans visite autorisée pour avoir fait une allusion subtile lors d’un de ses spectacles à l’opposition gouvernementale (opposition dont la leader, prix Nobel de la Paix 1991, est toujours en résidence surveillée).


Une femme birmane nous racontait qu’un de ses amis qui tenait une guesthouse appréciée des backpakers depuis 14 ans a « disparu » du jour au lendemain sans laisser de traces, sa guesthouse fermée.. il avait pour habitude de partager ses opinions (divergentes au pouvoir) avec les étrangers.. Personne au village ne sait ou ne veut savoir ce qu’il est devenu…
Ce qui choque – le mot est faible- également est la perversion du système ; si les touristes complaisants sont épargnés, le Birman qui s’aventurerait à trop sympathiser avec eux court lui un réel danger.
Par exemple, les guides touristiques tel Lonely Planet peuvent être utilisés par les touristes mais gare au Birman qui le posséderait ou même le lirait sous peine de prison… ils sont donc préservés et lus en cachette sous l’oreiller…
Cette même femme Birmane nous racontait qu’une touriste lui avait envoyé un paquet de cadeaux par la poste. Tout paquet reçu de l’étranger est suspect. Elle a donc été convoquée à la poste ou l’attendaient douanier, postiers et militaires pour lui faire signer une déclaration signifiant qu’elle était bien la destinataire. Elle a ensuite du ouvrir le colis face à tout ce beau monde… Heureusement pour elle, rien de compromettant, que des broches et pinces a cheveux… sinon… sinon…
S’imaginer que vous pouvez condamner une personne simplement en lui envoyant -par exemple des journaux de l’étranger- me glace d’effroi… Elle nous conjurait, traumatisée par l’expérience : « Please don’t send me gifts, no packages ».

Reste la question de savoir si le touriste doit boycotter ou non le Myanmar. Ma propre opinion est non. Il y a largement moyen de voyager en évitant d’utiliser quelque compagnie gouvernementale que ce soit.
Venir ici, écouter, dire ce qui se passe ailleurs, leur dire qu’on sait, que le monde sait est bien peu de choses mais un énorme réconfort pour eux.
Imaginons nous dans la même situation, pensant que le monde vous ignore… ou pensant que rien d’autre n’existe…

L’ignorance est un des grands ennemis du Bouddhiste… elle devrait l’être de chacun de nous…

http://www.hrw.org/doc?t=asia&c=burma

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