samedi 26 septembre 2020

L'europe # 0, Baharu, on ne t'a pas oublié.


Baharu, je te cherche inlassablement, j’arpente les rues de Bruxelles (pour ceux qui se demandent regardez mon post précédent). J’essaye de me mettre à ta place et me demander où tu vas dormir ce soir ?
Ta sœur m’appelle, elle me demande si j’ai des nouvelles. Je peux lui dire ? Non je peux pas, Baharu. Elle est chanceuse finalement. Tu as pu l’appeler pour lui dire que tu étais honteux d’avoir échoué.
Combien sont morts noyés cette semaine ? Tu sais le réseau il passe pas au fond de la mer. Baharu au-delà de te retrouver, je voudrais pouvoir lui expliquer à ta sœur. Mais moi-même je comprends plus rien. Je voudrais être capable de lui expliquer avec des mots doux, que l’Europe, c’est pas ça, c’est pas ce que tu crois, c’est pas ce que je croyais. L’Europe, elle tue.
Tu es perdu Baharu ? On est tous perdus. On va s’enlacer, on va se soutenir, ma main reste tendue, prends la quand tu pourras.
Je pense à toi, comme je pense tout le temps à mes frères et mes sœurs broyés par le système.
Il est dégueulasse ? Oui, il est putain de dégueulasse ce système. On veut pas de vous Baharu, et quand je dis on, c’est pas moi, c’est pas les familles solidaires, c’est le « ON ». T’es pas né ici Baharu, désolée pour toi. Il aurait suffit de peu.
Si tu étais resté à la maison, peut-être tu m’aurais expliqué ta traversée du désert au Soudan. Ta capture, le chantage, la soif, la faim, la peur. Je t’aurais passé une main dans le dos, parce que c’est tout ce que je peux faire. Je t’aurais écouté me parler de la Libye, même si j’en pouvais déjà plus, même toi. Tu sais, la Libye, je sais aussi. Les centres de détention, la torture, les tabassages, tes amis morts tués comme des lapins. Ne me dis plus, ça me fait trop mal. Je sais, même si je ne sais pas tout.
Baharu, tu l’as traversé cette Méditerranée, il t’en a fallu du courage pour braver les vagues en pleine nuit sans savoir si elles allaient t’engloutir, pour appeler ce navire qui allait te sauver toi et tes frères et sœurs. Barahu, je voudrais pouvoir te dire à quel point je vous admire, tous. N’abonne pas maintenant.
Baharu, je voudrais pouvoir m’excuser de cette Europe. Qu’est-ce que je pourrais te dire ? Je pourrais te dire que tous les dirigeants européens après le drame de Moria sont solidaires avec les migrants, mais ils sont répugnants Baharu. Ne les écoute pas, ils mentent. Honteusement. Qu’est ce qu’ils ont fait pour toi Baharu ? Qu’est ce qu’ils ont fait pour tes frères et sœurs ?
Ce soir, comme tous les soirs, je répondrai à tes amis qui me demanderont une place pour dormir. Ce soir, j’entendrai comme tous les soirs ceux qui se sont fait jetés d’Allemagne, de France et d’ailleurs. Ce soir, j’accueillerai ceux qui dorment dehors depuis des années parfois. Ce soir, je leur dirai « Ok, just for one night ». Demain, je les regarderai partir, et je leur dirai « on va s’arranger ».
Baharu, ne me lâche pas, il y a de la place pour tout le monde.

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