samedi 1 décembre 2007

World Trip # 17: Nepal (Part I)

A Kathmandu, je dois retrouver Carlos qui est arrivé la veille après 2 mois passés en Ethiopie. Debarquée à 3h du matin à l’hôtel où l’on avait convenu de notre rendez-vous, aucune trace de sa présence, ni même de son passage.

Je trouble visiblement le sommeil du tenancier qui me répète qu’il n’a plus aucune chambre de libre, et que je ferais mieux de le laisser se rendormir. Dehors, tous les hôtels ont verrouillé leur porte et Kathmandu ressemble à une ville fantôme cristallisée par l'air glacial. Après mes 32 heures sans pouvoir fermer l’œil, et mes dernières 24 heures remplies de tracas a l’aéroport de Delhi, je craque et fonds malgré moi en larmes, suppliant le patron mi-endormi, mi-agacé, de pouvoir m’allonger sur son canapé en attendant le lever du soleil. Visiblement, l’idée de voir une inconnue apparue de nulle part utiliser son sofa ne l’enchante pas plus que moi, l’idée de passer une seconde nuit blanche en compagnie des souris qui semblent avoir élu domicile dans sa réception.

Je retente donc une deuxième escapade jusque la chambre que Carlos m’avait indiquée, cognant à sa porte sans me soucier cette fois de réveiller tout l’hôtel... Carlos m’ouvre enfin ! Crevé de plusieurs jours de voyage par la route via l’Inde, il s’était laisse emporté par un sommeil profond.

Je ne l’ai pas vu depuis 4 mois, ses cheveux sont maintenant quasiment aussi longs que les miens, et il pourra bientôt faire des tresses avec sa longue barbe... Est-ce Jésus qui m’accueille en son royaume ? ;-)

J’enfile mon bonnet, mon écharpe et mon polar, et je m’enfonce dans un lit... j’aurais pu dire douillet si cela avait été le cas, ... mais enfin un lit !

On se réveille le lendemain tard dans l’après-midi avec pleine vue sur Durbar Square ensoleillé... La vie est à nouveau belle !!

Après 4 mois d’Afrique, Kathmandu c’est New-York City ! Ça grouille de partout, les rues étroites sont surmontées d’immeubles vieux de moult siècles à plusieurs étages ; les restaurants et échoppes en tout genre bordent sans discontinuer notre passage. Les voitures, motos, carrioles, vélos,... zigzaguent en klaxonnant entre les piétons... un petit gout d’Inde, les vaches sacrées nonchalantes au milieu de la route en moins !

Habituée aux deux rues goudronnées des villes malawiennes, j’avais l’impression d’avoir enfin acquis un sens irréfutable de l’orientation ; à Kathmandu, je m’avoue vaincue ! L’air est froid, l’air est frais, ... mais l’air est bon !, et en levant les yeux au ciel, on aperçoit les sommets enneigés des montagnes qui ceinturent la ville.

A partir de 17h sur Durbar Square, c’est l’heure du Masala Chai, le thé au lait... C’est la que tous les soirs les jeunes et moins jeunes hommes de la ville se donnent rendez-vous pour quelques heures de socialisation ; les vendeurs de la place replient bagages, les feux à gaz se mettent en route, et les bouilloires chauffent un peu partout.

La veille Carlos y a rencontré un jeune Népalais avec qui il a maintenant rendez-vous... Et c’est ainsi que je fais la connaissance de Pawan...

Pawan a 18 ans, la maturité d’un adulte de 30 ans, l’énergie d’un jeune de 20 ans, et les idéaux d’un adolescent de 15 ans que les déceptions de la vie n’auraient pas encore entamé.

Il est batteur dans un groupe de rock subsidié par des ONG pour délivrer, lors de leurs concerts, des messages contre l’usage de la drogue et pour le port du préservatif. Carlos lui a fait découvrir quelques bons morceaux de musique via son ipod... Pawan en est ravi !

Pawan voudrait partir étudier aux États-Unis (cet indécrottable rêve américain !), mais contrairement à la plupart des émigrés des pays pauvres, il voudrait revenir au Népal faire la différence, offrir du travail à ses compatriotes, et changer la politique de son pays. Partir semble pour lui la seule issue pour sortir de la misère... un discours malheureusement et tristement maintes fois entendu...

Moi, je me laisse conquérir et envouter... j’écouterais des heures durant ses discours empreints d’altruisme, de générosité, d’idéal, de fraternité... en essayant de garder pour moi mes objections pourries par ma culture individualiste.

Pawan veut devenir quelqu’un, un grand leader... Il deviendra un Homme avec un grand H, dans tous les sens humanistes du terme, ça ne fait aucun doute, il en a les capacités, et du fond du cœur, je lui souhaite !

Pawan nous présente à Ravi pour qui il travaille comme bénévole. Ravi a une trentaine d’années, et est un ancien drogué aux drogues dures. Quand il a voulu décrocher, il s’est rendu compte que non seulement, les drogués étaient traites comme des scélérats, mais aussi, aucune structure n’existait pour les aider a décrocher. Il a donc fondé, il y a quelques années, une organisation pour venir en aide à ceux qui souhaitent se désintoxiquer, accueillant en centre de jour des jeunes en manque, leur fournissant ainsi qu’à leurs familles le support moral nécessaire. Par voie de conséquence, son organisation s’est également ouverte aux malades du Sida, et à la lutte contre la transmission de la maladie. « Drugs kill you before you die », voila pour leur motto.

Dans le Thamel touristique, et sur Freak Street près de Durbar square, les dealers vous proposent de façon intempestive du shit, de l’herbe, voire plus si affinités.. ; vestiges et héritage des hordes de hippies occidentaux qui venaient pélèriner à Kathmandu, mais surtout fumer son herbe réputée pour être une des meilleures au monde... avant d’être boutés hors du pays par le Roi Birendra. Ce pâturage d’extases enfumées à grande échelle a laissé des traces, et pollue aujourd’hui encore les jeunes générations népalaises.

Le lendemain de notre rencontre, Pawan nous convie à un cours de Newari (historiquement la langue d’une des castes supérieures) dispensé gratuitement pour les jeunes de la ville. On assiste aux deux heures de cours ainsi qu’au discours inaugural du maire de Kathmandu sans rien y piger, mais ça a l’air de leur faire plaisir d’avoir des hôtes venus d’aussi loin que l’Espagne ou la Belgique... On s’y soumet donc avec un enthousiasme partagé.

Le 1er décembre, c’est la journée mondiale du Sida. Pour l’occasion, l’organisation de Ravi va organiser des concerts, des pétitions et la distribution de préservatifs sur Durbar Square. Pour ce faire, il a besoin de sponsors, et donc rédiger un dossier de demande de subsides. La personne qui habituellement s’en occupe a eu un décès dans sa famille.

Un décès au Népal est suivi de 15 jours de deuil au cours desquels les personnes proches du défunt ne peuvent avoir de contact avec l’extérieur, que ce soit verbalement ou par écrit. De même, toutes les personnes proches de la famille endeuillée ne peuvent en principe toucher ou manger toute chose qui aurait été en contact avec cette même famille. A moins de 15 jours du 1er décembre, Ravi se trouve donc dans un situation difficile, ayant à endosser des responsabilités pour lesquelles il n’a aucune expérience. A sa demande, on lui fournit notre aide bien maigre et futile... on n’a plus vraiment le temps de faire de grands changements !

Ravi est d’une attention tellement indéfectible à notre égard, qu’elle en est presque gênante, voire même parfois étouffante. Il nous invite au restaurant avec sa fiancée Bumikha pour gouter les spécialités locales sans nous laisser payer, nous offre sa pleine attention quand on passe au bureau de son organisation, le thé, négocie des prix dans les hôtels pour nous y séjourner, nous prête son mobile pour nous pouvoir téléphoner... vraiment, on se sent submergés par ses gentillesses ; on ne sait comment y réagir.

De même, Pawan nous invite un soir à diner dans sa famille avec tous les membres de son groupe de rock. Sa mère nous a concocté des délices typiquement népalais. Quand arrivent les plats, Carlos et moi sommes les seuls à nous régaler ; « Guests are Gods » dans la maison d’un Népalais... On devra insister pour qu’ils se joignent à notre festin, étant prêts a nous regarder le ventre creux manger toute la soirée comme le veut la tradition locale.

Lorsqu’on dit a Ravi ou Pawan que notre visa népalais expire mi-janvier, ça leur parait beaucoup trop tôt ; il voudrait nous voir séjourner à Kathmandu pour de longs mois à leurs côtés. C’est avec un pincement au cœur, mais détermination, qu’on leur explique qu’on aimerait voir autre chose du Népal que sa capitale. En attendant, je parviens à reculer une nouvelle fois mon vol vers la Chine ; je sens que mon séjour risque de se prolonger...

Lorsqu’on veut inviter Pawan ou Ravi à prendre un verre ou à manger pour les remercier de leur hospitalité, ils refusent tout net. Et quand enfin on parvient à les trainer après insistance dans un café, ils ne commandent rien, pas même un verre d’eau. Il doit y avoir quelque chose que ne saisit pas encore dans la culture népalaise...

On réussira quand même à les amener diner dans un bar où se produisent des artistes live reprenant le meilleur des grands classiques rock... Une petite pensée pour mes soirées a Bangkok avec le Marcus...

Le surlendemain, Carlos et moi partons pour Pokhara, à l’Ouest de Kathmandu, point de départ des treks vers l’Himalaya. J’ai dormi quasiment les 8 heures que dure le trajet en bus, mais lorsque j’ouvris l'œil, c’était pour découvrir de magnifiques paysages faits de montagnes et vallées vert tendre.

A Pokhara, on logera dans une guest house recommandée par un touriste anglais, et tenue par un Népalais adorable. Sur le toit est construite une terrasse de laquelle on a une vue imprenable sur l’Annapurna, et sur laquelle on peut prendre le temps d’apprécier les levers et couchers de soleil sur les montagnes.

Comparé à l’effervescence de Kathmandu, Pokhara est un véritable havre de paix, une petite ville paisible au bord d’un lac coincé entre les montagnes. Mais Pokhara, c’est aussi la première ville touristique du pays offrant toutes les facilités requises par les backpackers de passage ; cybercafes, boutiques de souvenirs, bars, restaurants à profusion spécialement conçus pour délecter les papilles occidentales... et je dois dire que cela requiert parfois des efforts d’imagination pour encore se sentir au Népal.

J’en profite pour faire le plein de bouquins et faux Lonely Planet a ½ prix, ainsi que m’equipper contre le froid des sommets. Au bout de 3 jours, c’est sans grande emotion que nous quittons Pokhara...

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Tres beau texte pr un voyage si beau!
Je compte partir moi aussi pour le nepal en juillet pr aider les enfants de katmandou avec l ONG quinoa...
bonne continuation et bon courage!

Anonyme a dit…

Kathmandou et Pokhara avec leur ambiance sont bien décrit mais ne représente pas le "vrai" Népal. 90% des touristes se concentre sur 10% du territoire. Le Népal des montagnes et des hommes est quasiment encore neuf. Osé vous égarer dans ce pays du sourire...

http://namaste.association.free.fr/

Anonyme a dit…

Ah ! Kathmandou, son ambiance, et les photos ..."Souvenirs souvenirs"! Comme le dit Eric P. le 02.12, n'hésite pas à t'égarer vers Langtang au nord de Kathmandou par exemple ou à l'Est vers la vallée de l'Everest.
Je ne suis pas très sportive et j'ai porté mon sac à dos jusqu'à Kanjin Gompa (orthographe à vérifier) et Gosaikund à 4000M ; ce fut mon altitude maximum , faute de temps (Langtang 1997).
Le Népal est un pays à voir et sa population vraiment attachante.