vendredi 12 octobre 2007

World Trip # 11: Afrique du Sud (Part II)

La route qui mene de Jo’burg vers Durban offre des panoramas aussi varies que somptueux : des plaines sans fin de savane jaune parsemee d’arbres a l’ecorce noire, des etendues desertiques d’ou emergent au hasard des rochers immenses qui font penser au Grand Canyon, des forets denses de pins... et se termine par la region des 1000 collines qui laisserait prejuger qu’on aurait transpose les paysages d’alpage en pleine Afrique australe. Je regrette alors de ne pas avoir le budget necessaire pour louer une voiture et pouvoir m’aventurer davantage dans la pays.

Apres avoir ete tant decue par Jo’burg, Durban ravive a nouveau mes attentes. A l’arrivee, Victor, autre demi fere de Puncque nous accueille et nous guide a travers la jungle des transports en communs. ¾ heure plus tard, on arrive a la maison ou vivent de puis 13 ans la mere et le beau-pere de Puncque. On passe les nombreux grillages qui protegent le lotissement, avec toujours placardes les « armed responses » accueillants, et on arrive dans une maisonnette modeste de 60-70 m2 que se partagent les parents, Victor, et les deux soeurs avant qu’elles ne partent etudier a Jo’burg.
Victor a 30 ans, est comptable au chomage, et s’ennuie a mourir aupres de sa mere et son beau-pere. C’est quelqu’un d’extremement gentil, un peu pataud, qui tue le temps en buvant des bieres avec ses copains, et qui cache ses bouteilles de gin derriere le canape pour que ses soirees a la maison paraissent moins longues. Il est evidemment enchante de notre visite qui mettra un peu de couleurs dans son quotidien morose. Il nous parle comme tout le monde de l’insecurite ambiante ; ses bras et ses mains portent les cicatrices des attaques au couteau dont il a ete victime.
Le beau-pere est quant a lui completemennt renferme, et nous salue a peine a notre arrivee. Ancien Captaine de l’Ilala (seul ferry qui parcourt depuis 50 ans le lac Malawi de long en large), il a gravit un a un les echelons pour occuper aujourd’hui un poste a responsabilite au port de Durban. Finalement, il sortira de temps en temps de sa coquille et on aura des conversations interessantes. Il me posera beaucoup de questions sur la Belgique sans gouvernement dont on fait mention meme en Afrique du Sud, et sera curieux de connaitre le regard occidental que je pose sur la societe africaine.
La mere, Edith, est une veritable pile electrique qui n’arrete pas de parler et rire. Elle tient un minuscule magasin de bonbons dans une ecole de son quartier, et au moment ou on partait, hesitait a accepter un boulot de puericultrice ¾ temps pour un salaire de ... 170 euros par mois. C’est une femme volontaire qui a voyage seule en Angleterre et en Espagne ou elle acceptait ca et la des boulots de femme de menage. Aujourd’hui, deux choses lui tiennent particulierement a coeur ; dans l’ordre, loin devant, Big Brother Africa, ensuite la Bible. Essayez de lui parler d’autre chose, et vous tiendrez a peine 5 minutes avant que la conversation ne devie immanquablement sur l’attitude des candidats de Big Brother, ou sur ce qu’enseigne la Bible dans telle ou telle circonstance. J’ai quand meme ose lui confesser que je ne crois pas en Dieu, mais cela n’a pas eu l’air de l’affecter outre mesure ; elle etait davantage interessee de savoir pour quel candidat de Big Brother je voterais volontiers. La tele est branchee inlassablement des son reveil et des son retour du travail sur son programme favori.
Pour moi, Big Brother a neanmoins un cote revelateur de la mentalite africaine : 12 candidats issus de 12 pays africains ; parmi eux, un Tanzanien marie a une Canadienne qui trompe sa femme chaque jour avec la candidate angolaise devant 25 millions de voyeurs. Et pourtant, les commentaires des telespectateurs fusent et encouragent ; « Bravo Richard, les vrais hommes africains se doivent d’avoir plusieurs femmes ! »
Avec son cote parfois exasperant de son obsession pour la tele-realite, Edith la mere possede un autre cote attachant, et me met tout de suite a l’aise. Ici, pas de chichis, je vais et je viens comme si j’etais a la maison, et ca fait du bien ! Par contre, elle me remercie sans cesse d’etre « such a good friend for Puncque », au point de que cela en devient genant.

Durban est une ville beaucoup plus aeree que Jo’burg, possede un port enorme, et une superbe plage au bord de l’Ocean Indien. Il est desormais sur de s’y baigner depuis que des filets de securite ont ete installes pour garder les requins a distance. Chaque jour, des dizaines de surfeurs prennent leur pied dans les vagues. Cela mis a part, Durban ne possede aucun charme ; a nouveau, une ville facon Amerique profonde, l’amabilite des commercants facon « Paris touristique » en plus.
Plusieurs fois, j’ai voulu trouver un endroit cosy et calme ou prendre un cafe entre deux ballades, un petit resto sympa ou manger un plat simple et sain, mais je n’ai trouve que des chaines vendant des hamburgers ou du poulet frit : KFC, Sterns, Nando’s. Chicken Licken, etc que frequente la population obese.
Edith nous a emmene decouvrir Durban dont elle est fiere et ne cesse de repeter que c’est certainement la plus belle ville d’Afrique du Sud. On peut meme y faire des ballades romantiques en barque.... En realite, des canaux ont ete construits avec, pour s’y deplacer, des repliques des gondoles venitiennes equipees de moteurs : c’est d’un mauvais gout !

La vague de psychose de Jo’burg n’a pas encore provoque de raz de maree a Durban, mais cela ne pourrait tarder : on ne va pas au cinema apres 17h parce que c’est trop dangereux d’en sortir une fois la nuit tombee. Passe 19h, c’est le couvre feu impose par la peur, on ne se deplace plus qu’en taxi.
Le samedi soir, lasse de Big Brother, je propose une sortie : tant pis, on se saignera pour payer le taxi. Direction un bar « backpackers », ambiance reggae. Les deux freres se font refuser l’entree. J’arrive peu apres pour signifier au sorteur qu’ils m’accompagnent : « c’est bon pour une fois » nous dit-il. Une fois a l’interieur, que des « whites ». Droit d’entree : 50 rands pour moi, 100 chacun pour Puncque et son frere. Raison invoquee : ils ne portent pas de chemise. Je regarde mon T-shirt de bas en haut en me disant que ma pigmentation cutanee m’offre des discounts a l’entree des discotheques, et on decide de quitter cet endroit puant. Victor nous emmene dans un autre bar ou je serai la seule blanche cette fois. J’aime pas l’ambiance ; sur notre table, trainent encore les feuilles d’aluminium et les rasoirs utilises pour se preparer des lignes de coke. Comme dans la grande majorite des bars africains, la musique est jouee tellement fort qu’on n’y decele plus aucune melodie. Apres quelques bieres, on rentre. Victor n’a pas confiance en les taximen gares devant notre cafe. Encore cette paranoia me dis-je, je frappe a la vitre de l’un d’eux : sans doute occupe a dealer, il me sort son flingue ! Ok, ne vous derangez pas pour moi, je ne faisais que passer....

Le lendemain matin, Edith nous apprend que Gogo la grand-mere de Nkhata Bay est malade et se sent mourir. Un de ses fils et une de ses filles vivant pas loin mais ne se preoccupant pas vraiment d’elle lui ont diagnostique une legere malaria qui devrait guerir d’ici quelques jours. Edith insiste par telephone pour qu’on la conduise a l’hopital etant donne ses antecedants de thrombose, mais Gogo resiste : seul son petit-fils adore Puncque aura le droit de la conduire. Elle n’a confiance qu’en lui et repete qu’il va revenir bientot d’Afrique du Sud pour la sauver. Finalement on parvient a lui faire voir un docteur qui lui diagnostiquera de l’hypertension aigue.

En Afrique du Sud, je me mets plus facilement au courant de l’actualite. Je lis avec degout les articles decrivant comment la Chine est en train d’investir a coups de milliards de dollars au Congo pour s’assurer la mainmise sur les reserves de pierres precieuses, comment les Etats-Unis repensent en douce leur strategie militaire pour se tourner davantage vers l’Afrique, stabiliser les gouvernements au pouvoir (democratie ou pas, meme combat) afin de mieux sucer les richesses petrolieres, l’Europe qui y met son grain de sel car elle veut sa part du gateau. Dans ce grand jeu de Monopoly, seules les elites au pouvoir et quelques riches businessmen feront sauter la banque, et on continuera certainement a envoyer des enfants exploiter les mines de diamants.

Ici, les politiques occidentales et chinoises ne trompent personne. Et si on se croit toujours etre les faiseurs de democratie, maitre a penser de l’ordre mondial, ami philantrope de l’Afrique, il serait grand temps de constater qu’on a perdu toute credibilite, et que l’on est depuis longtemps dechu de notre titre de garant moral. Le veritable heros africain des temps modernes, c’est Mugabe. Il a beau par sa politique affamer son peuple, etre un dictateur sanguinaire ; il est aussi celui qui a exproprie les riches proprietaires blancs au profit de la population noire, celui qui a nationalise les multinationales occidentales implantees dans son pays, et celui qui continue de defier les leaders des pays riches. A la television, on montre les images de Bush accusant Mugabe d’etre un dictateur sans scrupule, et Mugabe de repondre qu’il n’a pas a ecouter le discours de quelqu’un qui a du sang irakien sur les mains. Pour moi, il n’y en a pas un pour rattrapper l’autre, mais les Africains se delectent et applaudissent Mugabe des deux mains...

L’afrique est le continent ou les ethnies s’entretuent encore a coups de machette. Un ami malawien m’avait dit « transpose le probleme belge en Afrique, et ca se reglera par une guerre civile ». Et c’est malheureusement tres proche de la verite. Au Malawi, il y a quelques annees, lorsque Blantyre, seconde ville du pays, reclama que son dialecte jouisse du meme statut de langue officielle que le chichewa, langue du Nord, les gens menacerent tout ceux qui habitaient Blantyre et qui ne parlaient pas la langue locale de les massacrer s’ils ne quittaient pas la ville. S’il s’agissait de son voisin ou d’un ami, on envoyait hypocritement quelqu’un d’autre faire le sale boulot. Pourtant, face a l’etranger, les gens sont Africains avant d’etre Malawien, Zambien, Zimbabwien... On parle de l’african way of live, african music, african spirit, african man, african queen.... bref Africa United ! Et ce sentiment, tres fort et bien enracine, n’est certainement pas a sous-estimer...

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