World Trip # 8: Malawi (part VII)
August 14th - September 1st
Arrivee confortablement en 4X4 de Zambie a Lilongwe, Puncque m’a propose de l’accompagner pour son boulot a Zomba. J’ai saute a pieds joints sur l’occasion pour decouvrir le sud et ses sublimes montagnes aux flancs desquelles se dressent ca et la, tels des champignons, des maisons rondes en terre sechee, rassemblees en simili villages.
Ces quelques jours en compagnie de Puncque m’ont revele la dure realite de son travail de guide.
Guide de Safari, c’est un boulot a temps plein, et quand on dit a temps plein, cela veut reellemnt dire l’entierete du temps : se lever vers 5 h du matin pour rassembler du bois, allumer le feu pour preparer avec les moyens du bord le dejeuner des clients, depoussierer la voiture, faire la vaiselle, conduire toute la journee sur des pistes difficiles en commentant les paysages, repondre sans broncher aux requetes impromptues des clients (‘your commands are my orders’), preparer le diner, le souper, la vaiselle encore, faire, defaire les tentes, et reparer les nombreuses deffaillances de la voitures, toute la nuit a la lueur d’une torche s’il le faut… tout ca pour un salaire mirobolant de…. 4 euros par 24h de travail preste !
Dans un pays ou les disparites salariales sont aussi fortes (second au rang mondial), quiconque possede le capital suffisant pour demarrer un business (dans le cas d’un safari, une jeep aussi pourrie soit-elle) devient un seigneur en puissance et peut allegrement exploiter ses sujets, les « serfs », les « affames »…
C’est ce que fait sans scrupule le boss de Puncque, Patrick, Monseigneur Patrick, un Mzungu qui dans son pays ne serait probablement qu’un demi rate… Il a tente d’engager la conversation avec moi plusieurs fois durant notre sejour a Zomba ; je devais serrer les poings et la machoire pour eviter de lui cracher a la figure. Depuis on ne se salue meme plus quand on se croise dans l’une des deux rues du centre de Nkhata Bay, ca m’epargne l’effort de feindre que j’ai le moindre respect pour sa personne.
Puncque, lui, ne se plaint jamais parce qu’il a la chance d’avoir un travail, parce qu’il a une famille a nourrir, parce qu’il n’aura jamais l’argent suffisant pour etre son propre patron.
Une fois rentre a la maison, il a divise son maigre salaire en 4 : deux quarts sur le compte d’epargne de ses sœurs, un quart pour sa grand mere, et le restant qu’on a ete porte a la famille d’un de ses meilleurs amis vivant dans une de ces maisons en terre sans eau ni electricite. Pourquoi ? Parce qu’ils sont pauvres et ont besoin d’aide… cela semble tomber sous le sens…
Une fois la 4X4 de Monseigneur Patrick redeposee a Lilongwe, le retour en bus vers Nkhata Bay fut epique ; trimbalant, en plus des sacs a dos, une bonne trentaine de kilos de legumes achetes par Puncque sur la route pour sa famille. Le bus de Lilongwe vers Mzuzu est tombe en panne. 10h d’attente en pleine nuit ; les passagers ont finalement ete tirer de son sommeil le pauvre cafetier du village pour oublier le temps en s’enivrant de Chibuku Shake Shake (sorte de vomi alcoolise grumeleux). Une fois reparti, le bus a parcouru les 6 heures de trajet en zizaguant (le chauffeur avouera plus tard qu’il s’est endormi a plusieurs reprises). Le bus de Mzuzu vers Nkhata Bay est bien evidemment aussi tombe en panne (de freins… un classique !). Apres une nuit blanche, on ne mesure plus le bonheur que c’est de devoir encore faire du stop, Puncque, moi, 30 kg de sacs a dos, 30 kg de legumes et un 3ieme comparse.
Le 3ieme comparse, c’est un vieil ami de Puncque qu’il a retrouve en haillons mendiant dans un bled ou l’on s’etait arrete pour acheter les legumes. Le type, devenu a moitie fou a force de drogues de toutes sortes, n’avait plus mange depuis des jours et dormait dans un arbre pour eviter de se faire bouffer par les chiens la nuit… Puncque s’est donc charge de le ramener a sa famille a Nkhata Bay… C’etait on ne peut plus charitable, mais le type puait la rage, ce qui augmentait considerablement l’inconfort du voyage, et la difficulte de trouver une bonne ame pour nous prendre en stop, et en option, supporter l’odeur pestinentielle.
Notre voyage aura dure 22 heures au lieu des 6 requises. Retour a la case depart donc, Nkhata Bay, ou se trouvent la majorite de mes « brothers d’adoption ». Le ceremonial de routine quand je reviens de quelques jours de voyage ; ce sont les embrassades comme si je rentrais de 5 annees de guerre au front…
Ici j’ai retrouve mes petites habitudes ; danser avec la petite Jessica Wanangwa pendant que le homeless qu’ils acueillent chez eux nous joue de la guitare faite de deux malheureux morceaux de bois et un fil de peche, aller se baigner avec Agnes Thokozani, pecher avec Captain Che Billy et tomber en panne en plein milieu du lac dans l’obscurite totale, ecouter les concerts improvises de djembe de Windstone, manger encore et toujours du poulet, faire des ballades dans les villages des montagnes surplombant la baie, se faire suivre dans mes promenades par 5, 10, 20 puis 30 gosses qui crient Mzungu en sautillant, apprendre tres tres peniblement le chichewa, oublier et reapprendre a nouveau.
Puncque est reparti pour plusieurs semaines en safari, et pourtant, je continue d’etre recue dans sa famille non pas une princesse – je me sentirais inconfortable sur mon trone- mais comme un membre a part entiere de la famille… J’y vais quasi tous les soirs apres avoir fait les courses au marche avec Agnes Thokozani, et je me retrouve parachutee malgre moi en plein milieu de reunions de famille, coincee sur une chaise a ecouter des heures durant, oncles, tantes, cousins, cousines eloignes en discussions animees en chichewa dont je ne comprends pas un traitre mot. Des que je fais mine de me lever pour partir, une main sortie de nul part me reprecipite sur ma chaise pour me rappeller que je suis plus que bienvenue dans la reunion familiale…
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, je m’etonne moi meme de ne plus m’etonner de cuisiner a 4 pattes, couper mes legumes a meme le sol a l’aide de ce qui fut un jour un couteau, alimenter mon feu avec le bois que je trouve autour de moi, croiser les gosses en loques et pieds nus, les femmes en robe traditionelle de Chitenge portant 3 tonnes de je-ne-sais-quoi sur la tete, voir passer les pirogues tranquilles des pecheurs chantant, je prends le taxi brousse comme je prenais le bus 71, et je ne me soucie plus des fourmis qui me grimpent dessus a longueur de journee, ni des mouches qui recouvrent les poissons que je vais acheter au marche.
Je ne me surprend plus non plus des histoires locales comme celle de Jack, un babouin echoue des forets environnantes qui traine dans les rues de Nkhata Bay, et que les gens traitent comme un des leurs (j’entends dire : this Jack is really rude !) ;a tel point que ce pauvre animal a ete jete, comme le plus commun des humains mortels, une semaine en prison pour vol a l’etalage. J’imagine qu’il doit etre depuis parmi les delinquants recidivistes….
On pourrait me penser integree, et pourtant, malgre la chaleur magnetique et le sourire inalienable des Malawiens, je sens que je suis encore a des annees lumieres de comprendre la culture locale… plus on s’en approche, plus elle paraît eloignee…
Pami les choses qui me sont encore totalement etrangeres ; la croyance en la magie. Si vous osez avouer que vous n’y croyez pas, les gens vous regarderont comme si vous veniez d’avouer que vous etes venu en vaisseau spatial de la planete Mars. On ne plaisante pas avec la sorcellerie !
Les witch-doctors (les sorciers) sont partie integrale de la communaute, et peuvent se transformer au gre de leur humeur pour se faufiler dans votre intimite. La nuit, ils viennent investir les maisons, manger dans votre cuisine, claquer vos portes… tout Malawien a au moins une experience personnelle a vous raconter sur le sujet, a tel point que je deviens moi-meme parfois sceptique. Les etoiles filantes sont en realite des sortes d’avion que prennent les sorciers pour se deplacer. Si si !
Toute maladie ou mal non diagnostique est un mauvais sort que quelqu’un de mal-intentionne vous aurait jete. Et a ce propos, et plus terre a terre, les gens cuisinant dehors, les cas de personnes jalouses empoisonnant la nourriture de leur voisin ne sont pas infrequents ici…
Quant aux sorts proprement dits, les gens y croient de facon tellement intime que quand ils vous racontent des anedoctes a ce sujet, il est impossible de discerner la realite du surnaturel, si tant est qu’il y ait pour eux la moindre difference… Ainsi ai-je croise des processions de gens chantant pour feter la condamnation de deux femmes ayant abandonne leurs enfants dans la foret… les enfants eux-memes etant presents, il faut du temps pour comprendre que c’est d’avoir ete perdre les ames de leurs rejetons dont on les accuse.
Plus recemment, c’etait le cas d’un pecheur ayant disparu. Pas question d’envisager qu’il ait pu, par exemple, se noyer (explication bien trop rationnelle) ; les gens etant persuades que quelqu’un lui avait jete un sort et l’avait rendu invisible. Le pecheur serait donc parmi nous, errant comme un malheureux, desormais invisible des siens… Pour le rendre visible a nouveau, rien de plus simple : faire appel au witch-doctor. Je me suis donc rendue dans le village le jour ou le sorcier officiait la ceremonie sensee le faire reapparaitre (avec l’un des rares malawiens ayant accepte de m’accompagner : ils sont effrayes de ce qui pourrait eux-meme leur arriver en frequentant le sorcier de trop pres), mais la famille n’avait pas pu recolter les $100 necessaires pour payer le traitement magique, et la ceremonie etait remise a plus tard.
Finalement quelques jours plus tard, le sorcier a decouvert, lors d’une de ses visions, la verite : un autre pecheur lui avait jete un sort, rendu invisible de tous sauf de lui, et capture pour l’obliger a pecher pour son compte… ayant eu vent du sorcier qui le ferait reapparaitre, et ayant peur que la verite eclate au grand jour, il a finalement tue son otage pour le faire taire a jamais… Le sorcier ne pouvait donc plus rien faire… si ce n’est raconter son histoire a la justice. Le second pecheur est donc en garde a vue, et attend a l’heure qu’il est son jugement…
Quand je m’horrifie du fait qu’on puisse accuser quelqu’un sur le temoignage d’un pseudo magicien, les gens me regardent avec suspicion… comment ose-je remettre en doute les pouvoirs surnaturels du sorcier qui ne se trompe jamais !
On m’a demande plusieurs fois si je faisais le tour du monde ou le tour du Malawi… disons que j’ai trouve un endroit ou je me sens bien et ou j’apprends tous les jours. On est aussi un petit noyau de Mzungus qui sommes tombes amoureux du pays et de ses habitants : Dan l’Anglais ici depuis 1,5 ans, Mary l’Irlandaise ici depuis 8 mois, et Hadas, l’Israelienne avec qui je collabore a un projet impliquant un groupe de femmes des villages jouxtant Nkhata Bay. Couturieres, nous demarchons pour elles les guesthouses afin de leur trouver du travail, telle la fabrication d’oreillers, couvertures, etc. faisant aussi des allers-retours a Mzuzu pour acheter la matiere premiere. On fait aussi des prototypes de poupees au costume traditionnel que les couturieres pourraient potentiellement vendre aux touristes… c’est la debrouille et la creativite pour denicher le materiel necessaire… Ni Hadas ni moi n’avons la moindre notion de couture, ni si le projet aboutira, mais ce qui est certain, c’est qu’on s’enrichit au contact de ces villageoises….
Arrivee confortablement en 4X4 de Zambie a Lilongwe, Puncque m’a propose de l’accompagner pour son boulot a Zomba. J’ai saute a pieds joints sur l’occasion pour decouvrir le sud et ses sublimes montagnes aux flancs desquelles se dressent ca et la, tels des champignons, des maisons rondes en terre sechee, rassemblees en simili villages.
Ces quelques jours en compagnie de Puncque m’ont revele la dure realite de son travail de guide.
Guide de Safari, c’est un boulot a temps plein, et quand on dit a temps plein, cela veut reellemnt dire l’entierete du temps : se lever vers 5 h du matin pour rassembler du bois, allumer le feu pour preparer avec les moyens du bord le dejeuner des clients, depoussierer la voiture, faire la vaiselle, conduire toute la journee sur des pistes difficiles en commentant les paysages, repondre sans broncher aux requetes impromptues des clients (‘your commands are my orders’), preparer le diner, le souper, la vaiselle encore, faire, defaire les tentes, et reparer les nombreuses deffaillances de la voitures, toute la nuit a la lueur d’une torche s’il le faut… tout ca pour un salaire mirobolant de…. 4 euros par 24h de travail preste !
Dans un pays ou les disparites salariales sont aussi fortes (second au rang mondial), quiconque possede le capital suffisant pour demarrer un business (dans le cas d’un safari, une jeep aussi pourrie soit-elle) devient un seigneur en puissance et peut allegrement exploiter ses sujets, les « serfs », les « affames »…
C’est ce que fait sans scrupule le boss de Puncque, Patrick, Monseigneur Patrick, un Mzungu qui dans son pays ne serait probablement qu’un demi rate… Il a tente d’engager la conversation avec moi plusieurs fois durant notre sejour a Zomba ; je devais serrer les poings et la machoire pour eviter de lui cracher a la figure. Depuis on ne se salue meme plus quand on se croise dans l’une des deux rues du centre de Nkhata Bay, ca m’epargne l’effort de feindre que j’ai le moindre respect pour sa personne.
Puncque, lui, ne se plaint jamais parce qu’il a la chance d’avoir un travail, parce qu’il a une famille a nourrir, parce qu’il n’aura jamais l’argent suffisant pour etre son propre patron.
Une fois rentre a la maison, il a divise son maigre salaire en 4 : deux quarts sur le compte d’epargne de ses sœurs, un quart pour sa grand mere, et le restant qu’on a ete porte a la famille d’un de ses meilleurs amis vivant dans une de ces maisons en terre sans eau ni electricite. Pourquoi ? Parce qu’ils sont pauvres et ont besoin d’aide… cela semble tomber sous le sens…
Une fois la 4X4 de Monseigneur Patrick redeposee a Lilongwe, le retour en bus vers Nkhata Bay fut epique ; trimbalant, en plus des sacs a dos, une bonne trentaine de kilos de legumes achetes par Puncque sur la route pour sa famille. Le bus de Lilongwe vers Mzuzu est tombe en panne. 10h d’attente en pleine nuit ; les passagers ont finalement ete tirer de son sommeil le pauvre cafetier du village pour oublier le temps en s’enivrant de Chibuku Shake Shake (sorte de vomi alcoolise grumeleux). Une fois reparti, le bus a parcouru les 6 heures de trajet en zizaguant (le chauffeur avouera plus tard qu’il s’est endormi a plusieurs reprises). Le bus de Mzuzu vers Nkhata Bay est bien evidemment aussi tombe en panne (de freins… un classique !). Apres une nuit blanche, on ne mesure plus le bonheur que c’est de devoir encore faire du stop, Puncque, moi, 30 kg de sacs a dos, 30 kg de legumes et un 3ieme comparse.
Le 3ieme comparse, c’est un vieil ami de Puncque qu’il a retrouve en haillons mendiant dans un bled ou l’on s’etait arrete pour acheter les legumes. Le type, devenu a moitie fou a force de drogues de toutes sortes, n’avait plus mange depuis des jours et dormait dans un arbre pour eviter de se faire bouffer par les chiens la nuit… Puncque s’est donc charge de le ramener a sa famille a Nkhata Bay… C’etait on ne peut plus charitable, mais le type puait la rage, ce qui augmentait considerablement l’inconfort du voyage, et la difficulte de trouver une bonne ame pour nous prendre en stop, et en option, supporter l’odeur pestinentielle.
Notre voyage aura dure 22 heures au lieu des 6 requises. Retour a la case depart donc, Nkhata Bay, ou se trouvent la majorite de mes « brothers d’adoption ». Le ceremonial de routine quand je reviens de quelques jours de voyage ; ce sont les embrassades comme si je rentrais de 5 annees de guerre au front…
Ici j’ai retrouve mes petites habitudes ; danser avec la petite Jessica Wanangwa pendant que le homeless qu’ils acueillent chez eux nous joue de la guitare faite de deux malheureux morceaux de bois et un fil de peche, aller se baigner avec Agnes Thokozani, pecher avec Captain Che Billy et tomber en panne en plein milieu du lac dans l’obscurite totale, ecouter les concerts improvises de djembe de Windstone, manger encore et toujours du poulet, faire des ballades dans les villages des montagnes surplombant la baie, se faire suivre dans mes promenades par 5, 10, 20 puis 30 gosses qui crient Mzungu en sautillant, apprendre tres tres peniblement le chichewa, oublier et reapprendre a nouveau.
Puncque est reparti pour plusieurs semaines en safari, et pourtant, je continue d’etre recue dans sa famille non pas une princesse – je me sentirais inconfortable sur mon trone- mais comme un membre a part entiere de la famille… J’y vais quasi tous les soirs apres avoir fait les courses au marche avec Agnes Thokozani, et je me retrouve parachutee malgre moi en plein milieu de reunions de famille, coincee sur une chaise a ecouter des heures durant, oncles, tantes, cousins, cousines eloignes en discussions animees en chichewa dont je ne comprends pas un traitre mot. Des que je fais mine de me lever pour partir, une main sortie de nul part me reprecipite sur ma chaise pour me rappeller que je suis plus que bienvenue dans la reunion familiale…
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, je m’etonne moi meme de ne plus m’etonner de cuisiner a 4 pattes, couper mes legumes a meme le sol a l’aide de ce qui fut un jour un couteau, alimenter mon feu avec le bois que je trouve autour de moi, croiser les gosses en loques et pieds nus, les femmes en robe traditionelle de Chitenge portant 3 tonnes de je-ne-sais-quoi sur la tete, voir passer les pirogues tranquilles des pecheurs chantant, je prends le taxi brousse comme je prenais le bus 71, et je ne me soucie plus des fourmis qui me grimpent dessus a longueur de journee, ni des mouches qui recouvrent les poissons que je vais acheter au marche.
Je ne me surprend plus non plus des histoires locales comme celle de Jack, un babouin echoue des forets environnantes qui traine dans les rues de Nkhata Bay, et que les gens traitent comme un des leurs (j’entends dire : this Jack is really rude !) ;a tel point que ce pauvre animal a ete jete, comme le plus commun des humains mortels, une semaine en prison pour vol a l’etalage. J’imagine qu’il doit etre depuis parmi les delinquants recidivistes….
On pourrait me penser integree, et pourtant, malgre la chaleur magnetique et le sourire inalienable des Malawiens, je sens que je suis encore a des annees lumieres de comprendre la culture locale… plus on s’en approche, plus elle paraît eloignee…
Pami les choses qui me sont encore totalement etrangeres ; la croyance en la magie. Si vous osez avouer que vous n’y croyez pas, les gens vous regarderont comme si vous veniez d’avouer que vous etes venu en vaisseau spatial de la planete Mars. On ne plaisante pas avec la sorcellerie !
Les witch-doctors (les sorciers) sont partie integrale de la communaute, et peuvent se transformer au gre de leur humeur pour se faufiler dans votre intimite. La nuit, ils viennent investir les maisons, manger dans votre cuisine, claquer vos portes… tout Malawien a au moins une experience personnelle a vous raconter sur le sujet, a tel point que je deviens moi-meme parfois sceptique. Les etoiles filantes sont en realite des sortes d’avion que prennent les sorciers pour se deplacer. Si si !
Toute maladie ou mal non diagnostique est un mauvais sort que quelqu’un de mal-intentionne vous aurait jete. Et a ce propos, et plus terre a terre, les gens cuisinant dehors, les cas de personnes jalouses empoisonnant la nourriture de leur voisin ne sont pas infrequents ici…
Quant aux sorts proprement dits, les gens y croient de facon tellement intime que quand ils vous racontent des anedoctes a ce sujet, il est impossible de discerner la realite du surnaturel, si tant est qu’il y ait pour eux la moindre difference… Ainsi ai-je croise des processions de gens chantant pour feter la condamnation de deux femmes ayant abandonne leurs enfants dans la foret… les enfants eux-memes etant presents, il faut du temps pour comprendre que c’est d’avoir ete perdre les ames de leurs rejetons dont on les accuse.
Plus recemment, c’etait le cas d’un pecheur ayant disparu. Pas question d’envisager qu’il ait pu, par exemple, se noyer (explication bien trop rationnelle) ; les gens etant persuades que quelqu’un lui avait jete un sort et l’avait rendu invisible. Le pecheur serait donc parmi nous, errant comme un malheureux, desormais invisible des siens… Pour le rendre visible a nouveau, rien de plus simple : faire appel au witch-doctor. Je me suis donc rendue dans le village le jour ou le sorcier officiait la ceremonie sensee le faire reapparaitre (avec l’un des rares malawiens ayant accepte de m’accompagner : ils sont effrayes de ce qui pourrait eux-meme leur arriver en frequentant le sorcier de trop pres), mais la famille n’avait pas pu recolter les $100 necessaires pour payer le traitement magique, et la ceremonie etait remise a plus tard.
Finalement quelques jours plus tard, le sorcier a decouvert, lors d’une de ses visions, la verite : un autre pecheur lui avait jete un sort, rendu invisible de tous sauf de lui, et capture pour l’obliger a pecher pour son compte… ayant eu vent du sorcier qui le ferait reapparaitre, et ayant peur que la verite eclate au grand jour, il a finalement tue son otage pour le faire taire a jamais… Le sorcier ne pouvait donc plus rien faire… si ce n’est raconter son histoire a la justice. Le second pecheur est donc en garde a vue, et attend a l’heure qu’il est son jugement…
Quand je m’horrifie du fait qu’on puisse accuser quelqu’un sur le temoignage d’un pseudo magicien, les gens me regardent avec suspicion… comment ose-je remettre en doute les pouvoirs surnaturels du sorcier qui ne se trompe jamais !
On m’a demande plusieurs fois si je faisais le tour du monde ou le tour du Malawi… disons que j’ai trouve un endroit ou je me sens bien et ou j’apprends tous les jours. On est aussi un petit noyau de Mzungus qui sommes tombes amoureux du pays et de ses habitants : Dan l’Anglais ici depuis 1,5 ans, Mary l’Irlandaise ici depuis 8 mois, et Hadas, l’Israelienne avec qui je collabore a un projet impliquant un groupe de femmes des villages jouxtant Nkhata Bay. Couturieres, nous demarchons pour elles les guesthouses afin de leur trouver du travail, telle la fabrication d’oreillers, couvertures, etc. faisant aussi des allers-retours a Mzuzu pour acheter la matiere premiere. On fait aussi des prototypes de poupees au costume traditionnel que les couturieres pourraient potentiellement vendre aux touristes… c’est la debrouille et la creativite pour denicher le materiel necessaire… Ni Hadas ni moi n’avons la moindre notion de couture, ni si le projet aboutira, mais ce qui est certain, c’est qu’on s’enrichit au contact de ces villageoises….
1 commentaire:
C'est pas un tour du monde, c'est une immersion totale longue durée ;)
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