jeudi 27 décembre 2007

World trip # 20 : Nepal (part IV)

Apres mon immersion lucrative en famille nepalaise, il est temps pour moi de bouger dans un endroit ou je pourrai enfin me decrasser de mes 4 longs jours sans douche, et ne plus risquer d'interrompre la grand-mere en plein suspens bollywoodien insoutenable. Une chambre vient de se liberer dans une guesthouse a deux pas. Quand on sait que Lumbini ne compte qu'une seule veritable rue, je n'aurais pas pu aller bien loin me direz-vous...

A Lumbini, l'eau chaude est un luxe que je ne peux pas m'offrir ; par temperature negative aussi bien a l'exterieur qu'a l'interieur, on ose un orteil, puis deux avant de plonger sous l'eau glacee.. brrrr !
Ca coupe le souffle plusieurs secondes, mais je pense alors au Nepalais habitues a se laver dehors aux puits publics des coins de rue, et je me dis que se refrigerer quelques minutes par jour doit certainement aider a l'apprentissage de la culture locale !

Lumbini est la ville ou est ne Bouddha il y a +/-2500 ans, de cette periode, ne reste qu'un temple en ruine qui ne vaut pas franchement le detour, mais qui draine chaque annee la visite de milliers de pelerins du monde entier, ainsi que des fonds permettant la construction de plusieurs monasteres qui poussent comme des mauvaises herbes au milieu des champs et des vaches. Chaque pays originaire des fonds etant desireux d'y laisser sa petite empreinte architecturale, je dois dire que l'ensemble n'est pas une grande reussite d'homogeneite et d’harmonie... (Mais qu'est ce qu'une entree en forme de temple grec vient faire dans un monastere bouddhiste ??)

A Lumbini a aussi lieu chaque annee le « Great Sakya Sangha gathering », ou 10 jours de prieres pour la paix universelle, qui rassemblent pres de 3000 moines venus des 4 coins du Nepal et des grandes villes indiennes accessibles en bus.
Prier en grand nombre aide parait-il... c'est vrai qu'etant donne l'etat de la paix dans le monde, arriver a une paix universelle demande une puissance bien plus grande encore que celle de 3000 prieres a l'unisson !

Arrivee par le plus heureux des hasards en plein dans cette periode, je decide de faire une incursion dans le temple rassemblant nos pacificateurs chevronnes que rien ne pourrait decourager... Sur le pointe des pieds et en longeant les murs d'abord (je ne sais meme pas si je suis autorisee a y penetrer)...mais ce sont finalement des centaines de sourires et regards chaleureux qui m'accueillent...
Ne voulant surtout pas creer une seule fausse note dans les chants de mantras destines a une aussi noble quete, je m'accroupis en me faisant la plus discrete possible dans un coin, mais je me rends vite compte que les moines ont desormais trouve bien plus interessant que la recitation monocorde de textes tibetains ; un energumene blond sorti de nulle part !!
Un a un ils viennent s'asseoir autour de moi, feignant l'indifference d'abord, mais tres vite ne peuvent plus s'arreter de poser des questions une fois la conversation engagee ! Je me retrouve submergee par un torrent de regards curieux et interrogations diverses. Les moines restes sagement a leur place me font des signes discrets de la tete ou de la main pour que je les prenne en photo. Une fois la chose faite, il me jette un regard complice et un sourire qui illumine tout leur etre, satisfaits de leur petit instant de celebrite...
Un moment, j'aurais presque vole la vedette au grand Lama qui dirige les prieres au microphone !

Dehors, les familles nepalaises venues en masse par bus, font tourner les moulins a prieres senses leur apporter chance et prosperite... Tout le monde semble porte par une vague de quietude et serenite. Certains se prosternent et se relevent sans fin aux sons des mantras, paraissant plus legers a chacune de leur incantation. De vieilles dames au visage rempli de rides qui cachent jusqu'a leur regard, se tournent vers moi dans un geste qui semble une invitation a suivre leur rituel leur faisant apparemment jusqu'a oublier la douleur de leurs articulations.

J'hesite un moment, puis joins mes mains en m'inclinant devant elles en signe de respect et gratitude... A quoi cela rimerait-il de feindre des oraisons auxquelles je ne connais rien, ne comprends rien, et ne crois a priori pas ?

A une heure de l'apres midi, tout le monde, moines compris, quitte le site pour la pause dejeuner.
Forte de mon experience matinale, j’ose suivre les moines dans leur campement ou je serai accueillie avec toujours autant de convivialite.
Le campement ressemble a Woodstock version tibetaine ; des tentes eparpillees partout ou se reposent des bonhommes en toge pourpre ou or selon leur pays d’origine. Une file gigantesque et disciplinee se forme pour recevoir un bol de riz agremente de quelques legumes. Plusieurs moines m’approchent pour partager nos experiences, mais ne trouvant aucune langue verbale commune pour communiquer, on utilise le langage universel des gestes et des sourires…

Sans rien demander, je me retrouve un bol de riz a la main au milieu d’un groupe de moines pour partager le repas. La nourriture est insipide, mais reconnaissante de tant d’attention, je ne cesse de faire des signes de la tete indiquant maladroitement (et par la force des choses, sans doute peu convaincante) que le repas est un delice…jusqu'à ce qu’un jeune moine maitrisant parfaitement l’anglais s’asseye a mes cotes pour me lancer un « vraiment pas bon la nourriture ici, hein ? » … Heu ? Ok, j’ai l’air tres con mais tant pis… ;-)

Autour de nous se rassemblent ca et la des bandes de moines pour jouer aux duels philosophiques. Joute verbale qui est une recreation populaire dans les monasteres, et qui consiste (d’apres ce que j’ai pu en comprendre…) a argumenter et contre-argumenter des textes religieux ou principes philosophiques a tour de role jusqu'à ce que la partie adverse ne soit plus capable de defier la logique a l’appui de votre demonstration.

Bref, une matinee merveilleuse au pays de Bouddha qui vous rappelle ce pourquoi vous voyager…

De retour a l’hotel, je rencontre 2 Français, l’un, Hugo, avec un accent du Sud qui chante melodieusement aux oreilles, et dont la copine est recluse depuis 3 jours dans sa chambre terrassee par des diarhees interminables, l’autre, Pascal, une sorte d’alien indescriptible qui arrive tout droit d’Iran et Irak ou il a passe plusieurs mois.
Autant Hugo est une douceur faisant en 10 secondes de chaque nepalais son meilleur pote, autant Pascal est infect, refusant de parler autre chose que la langue de Moliere… mais qui connaît Moliere au Nepal ?... Il a en plus le culot de ridiculiser les Nepalais a l’anglais approximatif, conteste pendant de (trop) longues minutes chaque addition, et n’a qu’une idee fixe en tete : se procurer de la marijuana. Il est tres mal tombe ; a Lumbini, a 9 h du soir on ne trouve plus rien d’ouvert, ni ame qui vive en rue : les Nepalais se retire pour diner en famille.

Avec eux, j’irai voir l’hommage rendu a Chogye Trichen Rinpoche pour son 317ieme jour au Nirvana (pas d’inquietude, je ne le connais pas non plus ! J) : plus de 5000 lampes au beurre allumees autour du temple ou est ne Bouddha, spectacle feerique pour lequel Pascal refusera de payer les 15 roupies (€0.17) officielles, pretextant se trouver en pays hindou et non bouddhiste ! Hugo et moi feignons lachement de ne pas le connaître.. ;-)

Le lendemain de mon introduction aux mantras, je prefere ne pas abuser de l’hospitalite naturelle des moines, et me rends a ce qui est devenu en l’espace de quelques jours ma cantine habituelle : une petite gargote familiale ou la mere de famille cuisine Dhal Bat et delicieux chapati a meme le sol et a meme le feu.
C’est aussi la qu’on s’installe sur de vieux bancs branlants en bois sur lesquels se joignent les vieux sages des environs pour prendre le the et echanger les dernieres nouvelles du village.
C’est aussi la qu’un appareil photo fait encore figure de petite boite a miracle devant laquelle les jeunes s’empressent de poser avec les plus vieux, qui eux, voyant leur portrait sur ecran digital, tentent de dissimuler un sourire emerveille… Apres tout, ils ont leur image de grand sage a entretenir, ce n’est pas a eux qu’on va apprendre quoi que ce soit, n’est-ce-pas ? ;-)

Un moine vient soudainement a ma rencontre, semblant prêt a m’accompagner dans mon aventure dans le « under-cover » Lumbini, explorer au-dela de la rue goudronnee que compte cette petite ville…

Un pas plus loin que la derniere guesthouse en brique, ce sont des chemins et maisons en terre construites a mains nues, surmontees de toits en paille a remplacer chaque annee, ou de toles pour les moins mal lotis.
Autour de moi, les enfants pieds nus virevoltent comme des papillons en riant, mais se muent en veritable essaims d’abeilles des que je sors mon objectif. Ils posent comme des petites stars en se donnant des coups de coude pour etre au premier rang de la posterite.

Le moine qui m’accompagne pose une main affectueuse sur mon epaule et me conduit de maisons en maisons ou l’on se fait offrir chaleureusement hospitalite et the chaud.
Nos hotes successifs se montrent tous aussi timides mais enthousiastes que moi. La douceur et la simplicite des Nepalais est toujours une caresse mielleuse pour le cœur… Lorsqu’on les quitte, c’est bien plus que le the qu’on a partage, mais des petits moments de bonheur inestimables…

Une fois les rangees de maisons en terre franchies, apparaissent les vastes etendues de champs ou s’alternent culture de ble et de riz. Aussi bien les hommes que les femmes ou les enfants fauchent les herbes vigoureusement a l’ancienne, interrompant soudainement leur labeur pour nous saluer de la main et lancer des sourires de bienvenue.

Plus loin encore, une autre rangee de maisons en terre delaissees en journee par les travailleurs, ou seules demeurent les plus vieilles personnes prenant soin des taches menageres et des plus petits. Les maisons n’etant destinees qu’a y dormir (ou plutot s’y entasser la nuit quand on imagine la place laissee pour chacun), les activites quotidiennes se deroulent sur le pas de porte, en concomitance avec ses proches voisins.

Accroupies a terre, des groupes de vieilles dames cousent, d’autres font la vaisselle, non pas avec de l’eau, mais en utilisant la terre comme abrasif ; des gosses couverts par plus de mouches que d’habits les observent sagement ; des filles font leur toilette et la lessive en puisant l’eau aux puits publics. Tout ce petit monde d’abord mefiant, ne me lache plus une fois les Namaste echanges. De tres jeunes filles me tendent fierement leur tout petit bebe pour que je le photographie, puisqu’il est pour sa mere, comme partout ailleurs, le plus beau bebe du monde…

Pendant ce temps, mon acolyte de moine change radicalement d’attitude a mon egard ; ses accolades fraternelles se muent en caresses ambiguës de mes cheveux, puis en incessants effleurements beaucoup moins ambigus de mes fesses, et profite de mes mains occupees a prendre des photos pour me toucher les seins. Je lui lance un regard menacant en lui ordonnant de stopper ca tout de suite, lorsqu’il m’attrape violemment le visage pour m’obliger a l’embrasser, je le repousse tout aussi violemment, bien que trop tard car prise par surprise, et il se fond en excuses, me repetant que tout est ok… (ca depend pour qui !)
Cent metres plus loin, alors que personne n’est visible aux alentours, il me placarde avec force contre un mur et souleve sa toge. J’ai le reflexe salvateur de lui donner un bon coup de genou dissuasif. Heureusement pour moi, ce pervers n’insistera pas davantage physiquement, mais continuera de me suivre un bon moment en me demandant si on peut aller a mon hotel, ou s’allonger dans les champs ( !) avant de disparaître…
Il m’avait dit qu’il repartait le lendemain pour son monstere a Varanasi en Inde, j’espere ne plus avoir a le croiser…
Comme quoi, a ma grande deception, il doit y avoir la meme proportion de connards dans chaque communaute, aussi debonnaire soit-elle…

Une fois remise de mes emotions, une seule idee me poursuit ; s’il a de telles pulsions sexuelles irrepressibles, et ose de tels gestes a mon egard, qu’en est-il des petits moines de son monastere sous son autorite ? Dans l’espoir de le coincer, je montrerai la photo que j’avais prise de lui a plusieurs autres moines de Lumbini, mais personne ne semble le connaître.

La pensee de ne rien avoir pu faire pour empecher ses actes potentiels futurs me hante encore aujourd’hui…

De retour au centre de Lumbini, je me rends, histoire de calmer mes nerfs, dans un Internet cafe. Les connections sont au reflet des structures nepalaises : aleatoires. Quand ce n’est pas l’ordinateur qui rend l’ame entre vos mains, c’est une coupure d’electricte qui paralyse, et la ville, et vos communications par la meme occasion, sans parler du reseau telephonique capricieux duquel Internet depend toujours.
On s’arme de patience, et parfois on essaye de rassurer le gerant qui ne cesse de s’excuser alors que les aleas repetes de la vie courante affectent encore certainement plus lui et son businness que vous-meme…

Le cote positif de tant de difficultes a communiquer avec le monde exterieur, est que cela vous laisse le temps de s’interesser a ce qui se passe directement autour de vous. Ce jour-la, j’avais a ma gauche un jeune moine pubert interrompu dans un chat Internet sulfureux. J’avoue repentante et avec honte que j’ai jete plusieurs regards curieux sur son ecran ou apparaissaient l’image d’une demoiselle a la sensualite non equivoque, et ce qui aurait du etre la photo de notre moine ; un apollon aux biceps sur-testosterones (rien a voir avec la realite !).. Je ne peux m’empecher de sourire interieurement en pensant au quiproquo et supercherie (des 2 cotes ?) que cette conversation represente…

A ma droite, tout frais debarque d’Inde, David, un Costa Ricain de nationalite, mais avec un melange de Perou, d’Angleterre, d’Inde et d’Europe continentale dans les veines… Ingenieur civil de formation, il a quitte son boulot bien remunere chez Black & Decker aux Etats-Unis pour l’Inde ou il travaille benevolement pour 9 mois dans un ONG specialisee dans le micro-credit. Sa copine qui l’avait accompagne n’a jamais reussi a s’adapter a la culture indienne, mettant un terme a leur relation.

Comme le lui avait dit notre Guru nepalais qu’on rencontrera plus tard ; David a le regard et le visage de la compassion. On sympathise tres vite au point de finalement voyager la totalite des quasi 3 semaines qu’il passera au Nepal ensemble…

dimanche 9 décembre 2007

World Trip # 19: Nepal (part III)

Pokhara n’a évidemment pas changee en l’espace de quelques jours – toujours autant de touristes- m’ais s’avere une halte bien appreciee pour prendre soin de mes courbatures, mes pieds meutris, et mes levres craquelees par le froid et le vent. J’aurais pu l’eviter en buvant plus de butter tea (the au beurre qui donne litteralement l’impression de beurre fondu dans lequel auraient patauge quelques feuilles de the), dont les Tibetains raffolent, et qui rend la bouche grasse, evitant ainsi les gercures.

A Pokhara, je me laisse facilement et docilement prendre au jeu du farniente total et de la dolce vita, profitant sans me restreindre des petits restos au cadre sympa, et des concerts live le soir au coin du feu.
Je m’y offrirai meme une séance de parapente au dessus de l’Annapurna; se prendre pour un oiseau l’espace d’un trop court moment, et voler en compagnie des aigles… Quelles sensations!!

Pokhara est aussi le lieu de predilection pour rencontrer d’autres voyageurs, et j’en rencontrerai, par dizaines, de tout age, tout pays, tout horizon… mais ils ont tous un point commun; la recherche longue et difficile de soi, la quete d’un but dans la vie.

Parmi eux, il y a Martin, l’Anglais de Sheffield, ingenieur ecologiste a la quarantaine bien amorcee. En instance de divorce après 25 ans de vie commune, il est parti voyager 8 mois, et ne sait ni dans quel pays il vivra, ni quel boulot il fera a la fin de son pelerinage aux confins de son moi profond. Martin cache mal sa tristesse et sa solitude, mais on passera 2-3 soirees agreables grace a son sens de l’humour et sa culture generale sans faille.
Il y a aussi Sean et Tracy, un couple d’Australiens venus enseigne gratuitement au Nepal pour “enfin donner aux autres”. Sarah, l’etudiante irlandaise a l’enthousiasme communicatif, qui apres avoir voyage en Chine, Nepal et Inde, pense ne jamais commence sa vie en Irlande, mais partir s’installer chez son petit ami Mongolien rencontre en chemin. John, l’Americain qui revient pour la seconde fois au Nepal ; la premiere l’avait tellement marquee qu’il avait quitte son boulot de trader a New-York pour devenir cameraman a Hollywood. Jibe, le jeune parigo qui fait des bandes son pour la tele que j’avais rencontre tot le matin au petit dejeuner, et avec qui la conversation s’etait prolongee jusque dans l’apres midi. N’ayant jamais pris de vacances, il n’en pouvait plus du stress de Paris et des emmerdes a son boulot, il a pris un billet pour 3 mois de retraite nepalaise, et revenait d’un trek de 3 semaines seul dans l’Himalaya. Il se demande desormais comment il va gere son retour dans la jungle parisienne. Changer de lieu de vie et de collegues lui parait la solution.
Je passe tous les bonnards baba-cools perdus a tout jamais au Nepal, mais qui vivent confortablement du chomage de leur pays d’origine, pour arriver a Bill, l’Americain du Colorado.
Bill est potier, doit avoir 60-70 ans, et rayonne de sa bonne humeur et de sa serenite… Un vrai petit Dalai-Lama en herbe ! Par le plus grand des hasards, je n’arretais pas de tomber sur lui a des heures et des endroits completement differents, ce qui nous faisait rire tous les deux. Il effectuait son premier grand voyage « in the Third World » comme il disait, et revenait d’une retraite de 3 semaines dans le monastere du Dalai-Lama a Dharasalam pour y apprendre la meditation.
Chaque fois que je le croisais, il etait en compagnie de jeunes d’une vingtaine d’annees, desesperes, jeunes brebis egarees qui lui confiaient leur premiere grande deception amoureuse (ou leur premiere grande deception tout court)… et qui semblaient avoir enfin trouve une oreille compatissante et attentive.
Les conversations se terminaient toujours par des accolades joyeuses, signe que Bill etait parvenu a faire jaillir une lueur d’espoir dans leurs ames en peine, ou au contraire, par des pleurs sans fin sur l’epaule de notre psychologue en herbe, signe que Bill allait certainement devoir encore leur offrir une de ses seances miracle…

Pour sa derniere soiree avant de partir en trek, Martin et moi decidons de trinquer a nos longs mois de vacances/questionnements dans un chouette resto du coin. Notre soiree bien arrosee se terminera dans un bar perdu dans les meandres de l’arriere Pokhara. Comme cela semblait ouvert, on pousse la porte avant de se rendre compte qu’on reveillait les deux tenanciers deja au lit… mais ils semblaient ravis d’accueillir leurs – sans doute- deux premiers clients de la journee ! Le serveur, qui se recoiffe nerveusement en baillant et peine a ouvrir l’œil, vient prendre la commande, mais, maitrisant mal l’anglais, me propose finalement de venir dans la cuisine choisir par moi-meme dans son stock aux tresors. Il ouvre un frigo tout a fait vide a l’exception de 3 bouteilles de biere « Everest »… Une biere, une biere, ou une biere ? Bon, ben une biere ! ;-)
Comme nos deux hotes semblent etre partis se recoucher, Martin et moi prenons possession de la chaine stereo, et faisons nous meme DJ pour egayer l’endroit : Janis Joplin, Led Zep, Radiohead… J’ose a peine et avec honte repenser au bordel qu’on aura foutu dans leurs CD’s ! On refermera quand meme la porte doucement en partant…

Au bout d’une semaine d’oisivete a Pokhara, je me dis qu’il est grand temps que je change de cremerie avant de n’avoir plus d’autre choix que de rejoindre la communaute de babas cools, et etre perdus a tout jamais au Nepal moi aussi. Je n’ai toujours pas de nouvelles de Carlos que j’ai laisse dans l’Annapurna. Je ne sais pas si je dois prevenir les secours ou sa mere. J’abandonne tres vite la deuxieme option, et me dis que la premiere alternative n’est pas encore tout a fait raisonnable a l’heure qu’il est… Je decide donc de prendre le bus seule vers les « road less travelled » cities… La veille j’ai rencontre Krishna, un Nepalais ayant etudie la geographie, et qui m’a raconte le Terai au nord-ouest du pays. Les villages dont il m’a parle ne sont mentionnes nulle part dans les guides mais font drolement envie !

Dans le bus qui m’emmene vers Tansen je fais figure de curiosite locale. A chaque arret, tout le monde veut savoir d’où je viens, quel age j’ai, et s’apitoye sur mon sort quand je leur dit que je n’ai pas encore d’enfants a un age si avance…
Comme m’avait Addis, un Nepalais ; ici, ne pas avoir d’enfants a 31 ans, c’est soit que tu es sterile, auquel cas inutile, soit tres laide et aucun mari potentiel ne veut de toi. Je ne me suis jamais sentie aussi vieille, moche et inutile qu’au Nepal ! ;-) Addis me rassure en me disant que je suis tres « ramro » (ou quelque chose comme ca qui veut dire pretty), et que j’en parais 25… merci Addis ! , et continue en me proposant tres serieusement de me marier a un Nepalais (lui, par exemple), comme ca on pourrait ouvrir un business a Pokhara dont il serait le manager, et qu’on financerait par mon salaire gagne en Belgique… Sacre Addis !

J’arrive a Tansen en fin de journee. Tansen est une ville assez inhospitaliere au premier abord. Chargee comme une mule de l’Himalaya, je me rends dans la premiere guesthouse que je trouve. La chambre est puante, le lit douteux, le WC ne fonctionne plus depuis bien longtemps, il n’y a pas d’eau chaude, pas de douche non plus, on se lave a l’evier… la salle-d’eau est tellement sale que je n’oserais meme pas y entrer sans chaussures. Tant pis, je suis trop fatiguee ce soir pour chercher plus loin.

N’ayant rien avale de la journee, je m’aventure dans la petite ville a la recherche d’un endroit accueillant pour manger un bout. Vers 7h, panne d’electricite ; tout Tansen est plonge dans le noir total. Je me dirige dans l’obscurite grace a la lueur des bougies qui s’allument ca et la a l’interieur des maisons, et je trouve une gargote qui donne sur la rue ou prendre un the chaud et de quoi me sustenter. Heureusement, le manque de lumiere m’empeche de voir plus en details l’hygiene de la cuisine, mais je dois constamment chasser les mouches qui viennent par dizaines envahir ma table. N’ayons peur de rien, on verra bien de quoi aura l’air mon estomac demain matin !
Une petite mademoiselle de 6-7 ans toute mignonne fait le service. Son pere lui fait des remontrances lorsqu’elle ne debarasse pas les tables assez vite… Ca ne me donne pas envie de m’attarder, et je file dans ma chambre d’hotel toujours aussi puante apres des heures d’aeration. Ma chambre donne directement sur la rue dont le boucan est insupportable. J’ecouterai mon ipod jusqu'à ce que Morphee vienne me chercher.

Il devait etre tard quand je me suis endormie, car je me reveille tard aussi. J’erre dans la ville toute la fin de matinee a la recherche d’une guesthouse plus acceptable, me demandant sans cesse si je reste une nuit supplementaire a Tansen ou pas. Finalement je tombe sur un Nepalais qui me dit que le bus pour Butwal part tout de suite ; il y a des signes du destin qu’il faut pouvoir saisir… je boucle mon sac en 5 minutes et cours acheter mon ticket !

En attendant que le bus demarre, Visna, un Nepalais, vient me faire la conversation. Il me dit a quel point j’ai de la chance de pouvoir voyager, ce a quoi quasi aucun Nepalais ne s’autoriserait meme a rever… Je lui dit avec tristesse a quel point j’en suis consciente, et que ce n’est malheureusement pas le cas de tous les Europeens. « Tu dois leur dire alors quand tu rentreras, tu dois leur dire comment et de quoi on vit. », me repond t-il.
C’est promis, Visna, je leur dirai !

Une fois dans le bus, je commence seulement a me demander ou je vais reellement m’arreter ; Butwal, Bhairawa, Lumbini ? Lumbini est la ville la plus eloignee, on verra bien combien de temps le bus mettra… Finalement le terminus est a Butwal, un autre bus pour Lumbini attend ses derniers passagers pour faire le plein avant de partir… bon ben on y va !
Il n’y a plus de places a l’interieur, on me fait monter sur le toit. J’ai du mal avec tous mes sacs, mais je parviens peniblement a rejoindre les 14 autres Nepalais pour un voyage pour le moins... decoiffant !
Des gens qui voyagent sur le toit d’un bus, c’est d’une banalite affligeante au Nepal, mais une petite blonde s’accrochant pour ne pas s’envoler au porte bagage, un peu moins ! Partout ou on s’arrete, les Nepalais me montrent du doigt en s’esclaffant… ca a le merite de faire rire tout le monde !!

Apres une heure de windsurfing a pleins tubes, on arrive enfin a Lumbini. Je fais tous les quelques hotels que comptent le petite ville : archi-complet ! J’ai du mal a y croire… apparemment, il y a un grand rassemblement religieux, et je ne peux pas esperer trouver une chambre ce soir.
Il fait deja noir, et les echoppes commencent a fermer boutique ; il faut absolument que je trouve vite une solution ; reprendre le bus vers la ville la plus proche ? Je ne sais pas s’il y a encore des bus a cette heure-ci ; Negocier un sofa dans un hotel ? Ma derniere experience de Kathmandu me decourage…

Je m’assied pour reflechir (on reflechit toujours mieux assis, c’est bien connu ! J) quand un vieux monsieur ayant observe mes allers-retours me propose de m’heberger dans sa famille. Sans meme demander plus de details, j’accepte sur le champ ! Il m’emmene dans sa petite maison ou sa fille a le sens des affaires ; elle me reclame 150 rupees pour la nuit (€ 1,6 ) ; une fortune comparee a mon hotel avec salle de douche (et eau chaude aleatoire) a € 3 a Pokhara, mais je ne suis pas vraiment en position de faire la fine bouche.
On me fait faire le tour du proprietaire (ce sera rapide…), et me montre la salle de bain pour le moins … sommaire… J’attendrai demain pour me laver…

Apres avoir etale deux couvertures dans le salon pour faire croire a un lit, la maitresse de maison me demande si je vois un inconvenient a ce que sa vieille mere vienne regarder la television. Je dis bien evidemment que non… meme si je ne pense pas avoir vraiment le choix ! ;-) Je me retrouve donc coincee dans le divan avec la grand-mere pour une tres loooonnngue soiree a regarder des soaps indiens, ou la « nouvelle star » version nepalaise. Je n’y comprends evidemment que dalle, mais il ne faut pas comprendre grand-chose d’hindi ou nepali pour se rendre compte de la grande mediocrite des programmes. Il y est question de vengeance, d’amour, de trahison, de pouvoir, et d’argent… des themes universels !
L’apparente tres honorable vieille dame a mes cotes ne cesse de peter bruyamment en rigolant ! Ne sachant pas trop comment reagir, j’esquisse quelques sourires forces en me disant qu’heureusement que je suis seule… a plusieurs nous aurions certainement ete pris de fous rires irrecuperables….

Le lendemain matin, je suis pressee de trouver un endroit ou pouvoir prendre une douche apres 3 jours d’hygiene douteuse. Ne voulant pas partir comme une voleuse et faire preuve de gratitude envers mes hotes, je vais m’installer a la table de la cuisine familiale pour partager le the en signe de convivialite. J’essaye peniblement de communiquer avec le grand-pere a la tete sympathique… sans grand success, mais on fait des efforts tous les deux ! La fille, qui n’a toujours pas perdu le sens des affaires, me charge 10 rupees pour la tasse de the.
Il est sans doute temps pour moi de plier bagages…

mardi 4 décembre 2007

World Trip # 18: Nepal (Part II)

Depart de Pokhara en avion vers Jomson, situe dans l'Annapurna a +/- 3000 metres d'altitude.
Le matin du depart, on fait la connaissance de Temba, notre guide boudhiste d'origine tibetaine.Temba a 28 ans, a commence comme porteur a l'age de 15 ans, et provient d'un village eloigne de 4 a 5 jours de marche de Lhassa; ni voiture, ni moto, ni meme cheval ne peuvent l'atteindre!
De Jomson, on endosse nos 10 + kg de sac, et on met directement le cap sur Kagbeni situe a 3 heures de marche de notre point de depart. Les paysages sont a couper le souffle. D'apres Temba, les panoramas sur cette route sont semblables a ceux que l'on peut rencontrer au Tibet, la nature un peu moins desertique.

Kagbeni est un village de quelques ames, constitue d'une petite dizaine de maison en pierre enfoncees dans la montagne. Dans la matinee, on y croise les femmes transportant vers les monasteres leurs "Pujas"; offrandes faites aux divinites, constituees de plats mitonnes avec soin qu'elles partageront entre leurs dieux et leur famille, ainsi que de feuillages aromatiques incandescents qui repandent dans l'atmosphere glaciale du petit matin une odeur agreable.
Dans la journee, seuls y demeurent les vieilles femmes balayant jusqu'a l'usure les paves des ruelles escarpees du village; et les enfants qui vous offrent des sourires malicieux. Les hommes et les femmes sont quant a eux descendus dans les champs etendus dans la vallee, travaillant d'arrache-pied pour cultiver la terre a mains nues, ou la labourer aides de quelques malheureux buffles... le tout en chantant pour se donner du courage, ou sans doute entretenir une ambiance conviviale.
A la fin de la journee, on doit prendre garde a ne pas se faire ecraser par les cheptels de centaines de chevres ou moutons qui traversent a toute allure le village pour rejoindre leurs enclos.

Le soir, nos hotes nous ont prepare un feu pour rechauffer nos pieds engourdis par le froid, et Carlos et mois goutons aux differents pains locaux, avec ou sans oeufs, avec plus ou moins de levure; les nepali breads, les apple breads, les corn breads, tibetan breads, Kagbeni breads, ... et je me rechauffe en buvant des Rakxis ou alcools locaux a base de pomme... il y a ceux qui donnent mal a la tete, et ceux qui donne tres mal a la tete...
A notre arrivee, on fait la visite du monastere tibetain du village avec un moine timide a l'anglais tres approximatif... On lui sourit sans cesse pour lui donner du courage, mais a la fin de son expose, on n'aura pas compris un traitre mot de ce qu'il aura tente de nous expliquer.

Dans cette region du Nepal, distante de quelques kilometres de la frontiere chinoise, se sont refugies plusieurs milliers de Tibetains. Ils y ont laisse plusieurs monasteres, stupas, et des grottes creusees dans la montagne dans lesquelles ils se sont caches plusieurs annees durant. Quand on regarde la paysage troue de tous ces refuges, on ne peut s'empecher de penser que cela doit ressembler a l'idee que l'on se ferait de l'Afghanistan...

Le lendemain matin, on dejeune dans la cuisine familiale; les femmes nous preparent le the, les oeufs et le pain chauffes au feu de bois, avec toujours aggripes sur leur dos, leurs bebes a croquer!

En Afrique, chaque halte etait une ruee vers un soda bien frais, ici, je fais une consommation efrennee de the chaud pour tenter de me degeler. J'aurai bu plus de the et de Thukpa (soupe chaude tibetaine) en l'espace de deux semaines que tout le restant de ma vie...

Carlos et Temba vont grimper 500 metres plus haut, moi je decide de repartir tranquillement seule vers Jomson; on est sportif inconditionnel, ou comme moi... on ne l'est pas! ;-) A notre depart, on nous noue l'echarpe blanche tibetaine autour du cou en signe de respect et voeu de bonne chance pour la route a venir...

Novembre est la fin de la saison touristique; on a une veine inestimable; quasi plus aucun touriste a l'horizon, et grace a ce satane changement climatique, aucun nuage pour obscurcir les rayons du soleil.

Vers midi, je quitte Kagbeni pour Jomson. Je suis absolument seule, et c'est un sentiment de
liberte et de paix intense! Neanmoins, on s'incline et on se sent tout petit au milieu de cette nature monumentale, et face a la puissance des torrents qui degringolent des sommets.
Seul le bruit du vent, de ma respiration, et le craquement de mes pas troublent le silence qui m'entoure. De temps a autre, je croise les porteurs nepalais. Ils me donnent mal au ventre a voir le poids qu'ils portent sur le dos; des monceaux de sacs enroules de cordes qu'ils passent au dessus de leur tete, supportant la majorite de la charge sur leur nuque. Ils transportent de toutes sortes, parfois meme jusqu'a des cages remplies de poules apeurees. Leurs visages, comme ceux que l'on croise dans les villages d'altitude, sont burines par le soleil, et leurs joues marbrees du rouge de leurs veines a cause du froid.

J'ai fait la grosse betise de m'equipper de chaussures bon marche; en arrivant vers Jomson, je n'ai deja plus de peau sur les talons, et chaque pas alourdi de mes 10 kg de sac est une veritable torture. Le soir, je rencontre un Anglais qui me filera tous les bandages qu'il possede pour continuer ma route, mais si c'est deja un soulagement, c'est loin d'etre suffisant...

Le matin suivant, je tue le temps sur Internet a Jomson en attendant Carlos et Temba. Les voies de la modernisation sont decidement impenetrables... si dans cette region, on se chauffe et on cuisine encore au feu de bois, on y capte Internet par satellite!! Au cybercafe facon locale, je croise un Nepalais a qui je fais part de mon malheur; si jamais je reste a Jomson, il m'offre de me loger chez sa soeur qui habite de l'autre cote du lac. Il a vecu plusieurs annees en Belgique, et parle... un Neerlandais impeccable!

Je me regale des rayons du soleil sur la terrasse de l'hotel au point d'attraper le "look panda" a la fin de la journee. A 3h de l'apres midi se pointent enfin Carlos et Temba. Ils sont senses me
prendre pour continuer 2 heures de marche jusqu'au prochain village, mais l'etat de mes pieds vainquera leur motivation. On decide de passer une nuit supplementaire a Jomson, et le soir on dine avec des Nepalais devant la tele. Ils nous passent les programmes touristiques du coin dans lesquels on peut admirer les videos amateurs des derniers evenements locaux: le match de foot Jomson-Kokthethati, la construction de l'ecole de Chitre, ou l'election de Miss Himalaya...

Le lendemain matin tres tot passent les vieilles jeeps pour Ghassa qui sont, je ne sais pour quelle raison, en principe interdite de prendre des touristes, mais on me negocie une place. Je retrouverai Carlos et Temba apres 3 heures de route pour moi, 7 heures de marche a vive allure pour eux. Les jeeps font taxi-brousse, s'arretent a chaque maison pour prendre du fret ou des passagers supplementaires. On s'y empile a 9 a l'arriere et une dizaine au milieu des sacs sur le porte bagage du toit.
Un frere et une soeur effectuent apparement le voyage de leur vie; une vingtaine de villageois se sont rassembles pour leur dire au revoir, et, a chaque arret, ils immortalisent leur etape sur pellicule.
La fille, coincee a cote de moi, m'attrape le bras et enfonce sa tete dans mon polar pour y trouver de la chaleur... Elle me rechauffe par la meme occasion, ce qui est bienvenu; ne pouvant plus supporter d'enfiler mes chaussures, je voyage en chaussettes!

A Ghassa, je recupere mon gros sac et les 15 kg d'affaires dont Carlos et Temba se sont delestes. Le chauffeur refuse comme promis a Temba de m'aider... Je trace peniblement mes 15 minutes de route vers la Guesthouse qu'un Australien m'a recommandee.
15 minutes de marche hors du village, ca a l'avantage d'offrir un repos dans un endroit isole. Je delecte ces moments de serenite en compagnie de la famille nepalaise qui m'accueille. Je ne bouge plus de mon siege de toute l'apres midi, me faisant servir le the par le petit garcon de la famille, accompagne de son frere qui commence ses premiers pas et s'aggripe a tout ce qu'il peut...

Sur la route qui longe la guesthouse, passent les troupeaux de mules que l'on entend venir de loin grace aux cloches pendues a leur cou. Les mules sont le seul moyen d'acheminer les biens dans ces villages isoles de toutes routes praticables en voiture ou camion. Les mules y passent par
dizaines, par centaines... Plus tard, je tomberai sur deux d'entre elles sans doute mortes d'epuisement et abandonnees en decomposition le long du chemin.

Le soir, on partage le repas avec Temba, Carlos, et un Irlandais sympa qui vit a Melbourne en Australie. Le lendemain 5 heures de marche nous attendent; on traverse de multiples ponts qui enjambent des gorges ou relient des vallees... la route est toujours aussi belle!!
Pour soulager mes talons, j'enfonce mes pieds vers l'avant de mes chaussures, ce qui me vaudra deux orteils complement bleus et un ongle rempli de pus... miiiiam!

Lorsqu'on s'approche de Tatopani commencent les travaux de la nouvelle route a flanc de montagne. On y croise de valeureux travailleurs creusant le chemin sans aucune securite, ainsi que de vieux messieurs aux cheveux completement gris et des adolescents qui cassent des pierres encadres par l'armee... Sont-ce des travaux forces?

On arrive a Totapani en avance sur le planning; mes pieds me remercient! Carlos part profiter des sources d'eau chaude a 15 minutes de la, moi je profite de la terrasse panoramique en compagnie du serveur qui me propse de partager son pet fait de l'herbe qu'il cultive lui-meme... merci, sans facons...

A l'hotel, je lis les instructions laissees pour les touristes quant a leur porteur; plusieurs d'entre-eux meurent de froid chaque annee, abandonnes dans la montagne par les touristes qui n'en n'ont plus l'usage, ou a cause du mal de l'altitude, car sans doute, un porteur ne vaut pas la peine qu'on redescende... Incroyable!!

Le mal de l'altitude n'est pas une chose a prendre a la legere, il est dit qu'a cause du manque d'oxygene, une personne qui aterrirrait directement au sommet de l'Everest n'y survivrait que quelques minutes avant de sombrer dans un profond coma engendrant la mort...

Pendant que Carlos se repose, je prend le the avec Temba. Il me parle de son Tibet natal. Ce qu'il me raconte n'est sans doute pas nouveau, mais n'en reste pas moins poignant. L'armee chinoise occupe toute la region, n'hesitant pas a tirer au hasard sur les villageois, tuant de sang froid ceux qui se rebellent aujourd'hui encore!

Les militaires investissent les villages, detruisent les monasteres, et requisitionnent les maisons. Dans le grand planning gourvernemental n'est laisse aux Tibetains que les emplois subalternes. Des qu'une terre est trop verte ou trop fertile, les Chinois en font un "Parc National", entourant l'espace de barbeles, et faisant payer aux Tibetains des droits d'entree exhorbitants pour eux y faire paturer leur betail.
Autour des frontieres "Tibet-Chine" ou des grandes villes, sont eriges des check-points qui empechent desormais les Tibetains de se deplacer librement pour acheter les biens de premiere necessite. Pour contenir et controler la population, le gouvernement delivre au compte-gouttes des cartes d'identite a renouveller chaque annee, interdisant aux Tibetains d'obtenir un passeport qui leur permettrait de voyager.
Conformement a tout bon principe dictatorial, les intellectuels sont suspects et traques. Les Tibetains ayant pu faire des etudes en Inde ou au Nepal, ou parlant trop aisement l'anglais sont mis en prison quelques mois pour s'y faire intimider. Temba me raconte que lui-meme a ete arrete par l'armee lorsqu'il a ete entendu par un miltaire parler anglais a un touriste dans un bar. Heureusement pour lui, il parle un Nepali parfait, ses compatriotes de l'endroit ont temoigne en sa faveur pour le faire passer pour un guide nepalais.
Certains Tibetains sont enroles dans l'armee chinoise, ce qui permet, d'apres Temba, d'assouplir les regles lorsqu'ils sont affectes aux check-points.

Le gouvernement chinois justifie l'exil force du Dalai-Lama par le fait que celui-ci est riche, et s'empressait de constituer une armee de rebellion s'il revenait sur ses terres... On devrait sans doute leur envoyer en masse des livres "Le Boudhisme explique aux nuls" qu'ils se rendent enfin compte que les boudhistes sont les personnes les plus humbles et les plus pacifistes au monde...

Temba est parfaitement au courant que des pays comme la Belgique refuse d'accueillir le Dalai Lama lorsque sa visite risque de froisser les susceptibilites des dictateurs chinois... Honte sur nous!!

La possession d'images ou de livres du Dalai Lama est interdite au Tibet, et il n'est parait-il pas rare que les militaires fouillent les bagages des touristes; je vais essayer pour voir... un petit acte futil de revolte au niveau personnel... ;-)


Pourquoi la Chine s'interresse t-elle tant au Tibet? Pour ses gisements d'or, et, d'apres Temba, beaucoup de reserves de sel encore non exploitees.

Les enfants qui exploitent les mines de diamants en Afrique; les colonisations deguisees, ou les dictatures sanguinaires maintenues en place pour l'or en Asie... Toute cette souffrance pour qu'au bout de la chaine des petasses occidentales exhibent leurs signes exterieurs de richesse pendus a leur cou ou a leurs oreilles...
On n'oserait plus aujourd'hui porter de fourrure au nom de la defense des animaux, mais combien d'humains sacrifies sur l'autel de la prosperite affichee?

...

Sur la route du trek, c'est une autre forme de persecution qui prend place, celles des rebelles maoistes qui ont du sang sur les mains, et ranconnent les populations et les touristes en construisant des barrages sur les routes pour demander, ce qu'ils apellent sans aucune gene, des "donations".
Les touristes qui partent en trek sont avertis de prevoir un budget exclusivement a cet effet. Carlos et moi avons, a la grande stupefaction de Temba, refuse de payer, rapellant a notre petit racketteur l'acte volontaire que suppose une donation...
Visiblement un debat ethymologique sur la definition du mot etait hors de portee de sa petite cervelle d'oiseau. Preferrant passer pour un grand prince que pour un con, notre genie nous laisse partir en pestant...

De Thotepani, on decide de se separer. Carlos planifie de monter a l'Annapurna Base Camp avec Temba, moi, mes pieds me supplient de rentrer. J'ai encore 3 heures de marche devant moi avant d'atteindre le premier village d'ou partent des bus locaux vers Beni, puis Pokhara.
Les 3 heures se transformeront au final en 5 heures a cause des detours crees par les travaux de la route qui m'obligent plusieurs fois a regrimper la montagne.
Sur le chemin, tout le monde se salue du traditionnel bonjour nepalais "Namaste", litteralement, "I greet the divine inside of you".
Le retour en bus est une fois de plus chaotique; 3 heures jusque Beni, ensuite 5 heures jusque Pokhara que j'effectue majoritairement debout dans l'allee centrale par faute de place.

Pour les deux dernieres heures, j'arrive enfin a m'asseoir a cote d'une jeune fille et son bebe de quelques mois. Elle ne parle pas anglais, on communique essentiellement par des sourires. Son bebe, a la bouille ravageuse, est tombe amoureux de moi, et hurle tant qu'il n'est pas sur mes genoux... Sa mere finit par me le confier avant d'elle-meme se serrer pour se rechauffer contre moi, puis s'endormir sur mon epaule.

J'ai maintenant un bebe dans un bras, sa mere dans l'autre, et je passe mon temps a essayer de jouer le role des amortisseurs que le bus n'a plus pour ne pas les reveiller...

samedi 1 décembre 2007

World Trip # 17: Nepal (Part I)

A Kathmandu, je dois retrouver Carlos qui est arrivé la veille après 2 mois passés en Ethiopie. Debarquée à 3h du matin à l’hôtel où l’on avait convenu de notre rendez-vous, aucune trace de sa présence, ni même de son passage.

Je trouble visiblement le sommeil du tenancier qui me répète qu’il n’a plus aucune chambre de libre, et que je ferais mieux de le laisser se rendormir. Dehors, tous les hôtels ont verrouillé leur porte et Kathmandu ressemble à une ville fantôme cristallisée par l'air glacial. Après mes 32 heures sans pouvoir fermer l’œil, et mes dernières 24 heures remplies de tracas a l’aéroport de Delhi, je craque et fonds malgré moi en larmes, suppliant le patron mi-endormi, mi-agacé, de pouvoir m’allonger sur son canapé en attendant le lever du soleil. Visiblement, l’idée de voir une inconnue apparue de nulle part utiliser son sofa ne l’enchante pas plus que moi, l’idée de passer une seconde nuit blanche en compagnie des souris qui semblent avoir élu domicile dans sa réception.

Je retente donc une deuxième escapade jusque la chambre que Carlos m’avait indiquée, cognant à sa porte sans me soucier cette fois de réveiller tout l’hôtel... Carlos m’ouvre enfin ! Crevé de plusieurs jours de voyage par la route via l’Inde, il s’était laisse emporté par un sommeil profond.

Je ne l’ai pas vu depuis 4 mois, ses cheveux sont maintenant quasiment aussi longs que les miens, et il pourra bientôt faire des tresses avec sa longue barbe... Est-ce Jésus qui m’accueille en son royaume ? ;-)

J’enfile mon bonnet, mon écharpe et mon polar, et je m’enfonce dans un lit... j’aurais pu dire douillet si cela avait été le cas, ... mais enfin un lit !

On se réveille le lendemain tard dans l’après-midi avec pleine vue sur Durbar Square ensoleillé... La vie est à nouveau belle !!

Après 4 mois d’Afrique, Kathmandu c’est New-York City ! Ça grouille de partout, les rues étroites sont surmontées d’immeubles vieux de moult siècles à plusieurs étages ; les restaurants et échoppes en tout genre bordent sans discontinuer notre passage. Les voitures, motos, carrioles, vélos,... zigzaguent en klaxonnant entre les piétons... un petit gout d’Inde, les vaches sacrées nonchalantes au milieu de la route en moins !

Habituée aux deux rues goudronnées des villes malawiennes, j’avais l’impression d’avoir enfin acquis un sens irréfutable de l’orientation ; à Kathmandu, je m’avoue vaincue ! L’air est froid, l’air est frais, ... mais l’air est bon !, et en levant les yeux au ciel, on aperçoit les sommets enneigés des montagnes qui ceinturent la ville.

A partir de 17h sur Durbar Square, c’est l’heure du Masala Chai, le thé au lait... C’est la que tous les soirs les jeunes et moins jeunes hommes de la ville se donnent rendez-vous pour quelques heures de socialisation ; les vendeurs de la place replient bagages, les feux à gaz se mettent en route, et les bouilloires chauffent un peu partout.

La veille Carlos y a rencontré un jeune Népalais avec qui il a maintenant rendez-vous... Et c’est ainsi que je fais la connaissance de Pawan...

Pawan a 18 ans, la maturité d’un adulte de 30 ans, l’énergie d’un jeune de 20 ans, et les idéaux d’un adolescent de 15 ans que les déceptions de la vie n’auraient pas encore entamé.

Il est batteur dans un groupe de rock subsidié par des ONG pour délivrer, lors de leurs concerts, des messages contre l’usage de la drogue et pour le port du préservatif. Carlos lui a fait découvrir quelques bons morceaux de musique via son ipod... Pawan en est ravi !

Pawan voudrait partir étudier aux États-Unis (cet indécrottable rêve américain !), mais contrairement à la plupart des émigrés des pays pauvres, il voudrait revenir au Népal faire la différence, offrir du travail à ses compatriotes, et changer la politique de son pays. Partir semble pour lui la seule issue pour sortir de la misère... un discours malheureusement et tristement maintes fois entendu...

Moi, je me laisse conquérir et envouter... j’écouterais des heures durant ses discours empreints d’altruisme, de générosité, d’idéal, de fraternité... en essayant de garder pour moi mes objections pourries par ma culture individualiste.

Pawan veut devenir quelqu’un, un grand leader... Il deviendra un Homme avec un grand H, dans tous les sens humanistes du terme, ça ne fait aucun doute, il en a les capacités, et du fond du cœur, je lui souhaite !

Pawan nous présente à Ravi pour qui il travaille comme bénévole. Ravi a une trentaine d’années, et est un ancien drogué aux drogues dures. Quand il a voulu décrocher, il s’est rendu compte que non seulement, les drogués étaient traites comme des scélérats, mais aussi, aucune structure n’existait pour les aider a décrocher. Il a donc fondé, il y a quelques années, une organisation pour venir en aide à ceux qui souhaitent se désintoxiquer, accueillant en centre de jour des jeunes en manque, leur fournissant ainsi qu’à leurs familles le support moral nécessaire. Par voie de conséquence, son organisation s’est également ouverte aux malades du Sida, et à la lutte contre la transmission de la maladie. « Drugs kill you before you die », voila pour leur motto.

Dans le Thamel touristique, et sur Freak Street près de Durbar square, les dealers vous proposent de façon intempestive du shit, de l’herbe, voire plus si affinités.. ; vestiges et héritage des hordes de hippies occidentaux qui venaient pélèriner à Kathmandu, mais surtout fumer son herbe réputée pour être une des meilleures au monde... avant d’être boutés hors du pays par le Roi Birendra. Ce pâturage d’extases enfumées à grande échelle a laissé des traces, et pollue aujourd’hui encore les jeunes générations népalaises.

Le lendemain de notre rencontre, Pawan nous convie à un cours de Newari (historiquement la langue d’une des castes supérieures) dispensé gratuitement pour les jeunes de la ville. On assiste aux deux heures de cours ainsi qu’au discours inaugural du maire de Kathmandu sans rien y piger, mais ça a l’air de leur faire plaisir d’avoir des hôtes venus d’aussi loin que l’Espagne ou la Belgique... On s’y soumet donc avec un enthousiasme partagé.

Le 1er décembre, c’est la journée mondiale du Sida. Pour l’occasion, l’organisation de Ravi va organiser des concerts, des pétitions et la distribution de préservatifs sur Durbar Square. Pour ce faire, il a besoin de sponsors, et donc rédiger un dossier de demande de subsides. La personne qui habituellement s’en occupe a eu un décès dans sa famille.

Un décès au Népal est suivi de 15 jours de deuil au cours desquels les personnes proches du défunt ne peuvent avoir de contact avec l’extérieur, que ce soit verbalement ou par écrit. De même, toutes les personnes proches de la famille endeuillée ne peuvent en principe toucher ou manger toute chose qui aurait été en contact avec cette même famille. A moins de 15 jours du 1er décembre, Ravi se trouve donc dans un situation difficile, ayant à endosser des responsabilités pour lesquelles il n’a aucune expérience. A sa demande, on lui fournit notre aide bien maigre et futile... on n’a plus vraiment le temps de faire de grands changements !

Ravi est d’une attention tellement indéfectible à notre égard, qu’elle en est presque gênante, voire même parfois étouffante. Il nous invite au restaurant avec sa fiancée Bumikha pour gouter les spécialités locales sans nous laisser payer, nous offre sa pleine attention quand on passe au bureau de son organisation, le thé, négocie des prix dans les hôtels pour nous y séjourner, nous prête son mobile pour nous pouvoir téléphoner... vraiment, on se sent submergés par ses gentillesses ; on ne sait comment y réagir.

De même, Pawan nous invite un soir à diner dans sa famille avec tous les membres de son groupe de rock. Sa mère nous a concocté des délices typiquement népalais. Quand arrivent les plats, Carlos et moi sommes les seuls à nous régaler ; « Guests are Gods » dans la maison d’un Népalais... On devra insister pour qu’ils se joignent à notre festin, étant prêts a nous regarder le ventre creux manger toute la soirée comme le veut la tradition locale.

Lorsqu’on dit a Ravi ou Pawan que notre visa népalais expire mi-janvier, ça leur parait beaucoup trop tôt ; il voudrait nous voir séjourner à Kathmandu pour de longs mois à leurs côtés. C’est avec un pincement au cœur, mais détermination, qu’on leur explique qu’on aimerait voir autre chose du Népal que sa capitale. En attendant, je parviens à reculer une nouvelle fois mon vol vers la Chine ; je sens que mon séjour risque de se prolonger...

Lorsqu’on veut inviter Pawan ou Ravi à prendre un verre ou à manger pour les remercier de leur hospitalité, ils refusent tout net. Et quand enfin on parvient à les trainer après insistance dans un café, ils ne commandent rien, pas même un verre d’eau. Il doit y avoir quelque chose que ne saisit pas encore dans la culture népalaise...

On réussira quand même à les amener diner dans un bar où se produisent des artistes live reprenant le meilleur des grands classiques rock... Une petite pensée pour mes soirées a Bangkok avec le Marcus...

Le surlendemain, Carlos et moi partons pour Pokhara, à l’Ouest de Kathmandu, point de départ des treks vers l’Himalaya. J’ai dormi quasiment les 8 heures que dure le trajet en bus, mais lorsque j’ouvris l'œil, c’était pour découvrir de magnifiques paysages faits de montagnes et vallées vert tendre.

A Pokhara, on logera dans une guest house recommandée par un touriste anglais, et tenue par un Népalais adorable. Sur le toit est construite une terrasse de laquelle on a une vue imprenable sur l’Annapurna, et sur laquelle on peut prendre le temps d’apprécier les levers et couchers de soleil sur les montagnes.

Comparé à l’effervescence de Kathmandu, Pokhara est un véritable havre de paix, une petite ville paisible au bord d’un lac coincé entre les montagnes. Mais Pokhara, c’est aussi la première ville touristique du pays offrant toutes les facilités requises par les backpackers de passage ; cybercafes, boutiques de souvenirs, bars, restaurants à profusion spécialement conçus pour délecter les papilles occidentales... et je dois dire que cela requiert parfois des efforts d’imagination pour encore se sentir au Népal.

J’en profite pour faire le plein de bouquins et faux Lonely Planet a ½ prix, ainsi que m’equipper contre le froid des sommets. Au bout de 3 jours, c’est sans grande emotion que nous quittons Pokhara...