World trip # 20 : Nepal (part IV)
Apres mon immersion lucrative en famille nepalaise, il est temps pour moi de bouger dans un endroit ou je pourrai enfin me decrasser de mes 4 longs jours sans douche, et ne plus risquer d'interrompre la grand-mere en plein suspens bollywoodien insoutenable. Une chambre vient de se liberer dans une guesthouse a deux pas. Quand on sait que Lumbini ne compte qu'une seule veritable rue, je n'aurais pas pu aller bien loin me direz-vous...
A Lumbini, l'eau chaude est un luxe que je ne peux pas m'offrir ; par temperature negative aussi bien a l'exterieur qu'a l'interieur, on ose un orteil, puis deux avant de plonger sous l'eau glacee.. brrrr !
Ca coupe le souffle plusieurs secondes, mais je pense alors au Nepalais habitues a se laver dehors aux puits publics des coins de rue, et je me dis que se refrigerer quelques minutes par jour doit certainement aider a l'apprentissage de la culture locale !
Lumbini est la ville ou est ne Bouddha il y a +/-2500 ans, de cette periode, ne reste qu'un temple en ruine qui ne vaut pas franchement le detour, mais qui draine chaque annee la visite de milliers de pelerins du monde entier, ainsi que des fonds permettant la construction de plusieurs monasteres qui poussent comme des mauvaises herbes au milieu des champs et des vaches. Chaque pays originaire des fonds etant desireux d'y laisser sa petite empreinte architecturale, je dois dire que l'ensemble n'est pas une grande reussite d'homogeneite et d’harmonie... (Mais qu'est ce qu'une entree en forme de temple grec vient faire dans un monastere bouddhiste ??)
A Lumbini a aussi lieu chaque annee le « Great Sakya Sangha gathering », ou 10 jours de prieres pour la paix universelle, qui rassemblent pres de 3000 moines venus des 4 coins du Nepal et des grandes villes indiennes accessibles en bus.
Prier en grand nombre aide parait-il... c'est vrai qu'etant donne l'etat de la paix dans le monde, arriver a une paix universelle demande une puissance bien plus grande encore que celle de 3000 prieres a l'unisson !
Arrivee par le plus heureux des hasards en plein dans cette periode, je decide de faire une incursion dans le temple rassemblant nos pacificateurs chevronnes que rien ne pourrait decourager... Sur le pointe des pieds et en longeant les murs d'abord (je ne sais meme pas si je suis autorisee a y penetrer)...mais ce sont finalement des centaines de sourires et regards chaleureux qui m'accueillent...
Ne voulant surtout pas creer une seule fausse note dans les chants de mantras destines a une aussi noble quete, je m'accroupis en me faisant la plus discrete possible dans un coin, mais je me rends vite compte que les moines ont desormais trouve bien plus interessant que la recitation monocorde de textes tibetains ; un energumene blond sorti de nulle part !!
Un a un ils viennent s'asseoir autour de moi, feignant l'indifference d'abord, mais tres vite ne peuvent plus s'arreter de poser des questions une fois la conversation engagee ! Je me retrouve submergee par un torrent de regards curieux et interrogations diverses. Les moines restes sagement a leur place me font des signes discrets de la tete ou de la main pour que je les prenne en photo. Une fois la chose faite, il me jette un regard complice et un sourire qui illumine tout leur etre, satisfaits de leur petit instant de celebrite...
Un moment, j'aurais presque vole la vedette au grand Lama qui dirige les prieres au microphone !
Dehors, les familles nepalaises venues en masse par bus, font tourner les moulins a prieres senses leur apporter chance et prosperite... Tout le monde semble porte par une vague de quietude et serenite. Certains se prosternent et se relevent sans fin aux sons des mantras, paraissant plus legers a chacune de leur incantation. De vieilles dames au visage rempli de rides qui cachent jusqu'a leur regard, se tournent vers moi dans un geste qui semble une invitation a suivre leur rituel leur faisant apparemment jusqu'a oublier la douleur de leurs articulations.
J'hesite un moment, puis joins mes mains en m'inclinant devant elles en signe de respect et gratitude... A quoi cela rimerait-il de feindre des oraisons auxquelles je ne connais rien, ne comprends rien, et ne crois a priori pas ?
A une heure de l'apres midi, tout le monde, moines compris, quitte le site pour la pause dejeuner.
Forte de mon experience matinale, j’ose suivre les moines dans leur campement ou je serai accueillie avec toujours autant de convivialite.
Le campement ressemble a Woodstock version tibetaine ; des tentes eparpillees partout ou se reposent des bonhommes en toge pourpre ou or selon leur pays d’origine. Une file gigantesque et disciplinee se forme pour recevoir un bol de riz agremente de quelques legumes. Plusieurs moines m’approchent pour partager nos experiences, mais ne trouvant aucune langue verbale commune pour communiquer, on utilise le langage universel des gestes et des sourires…
Sans rien demander, je me retrouve un bol de riz a la main au milieu d’un groupe de moines pour partager le repas. La nourriture est insipide, mais reconnaissante de tant d’attention, je ne cesse de faire des signes de la tete indiquant maladroitement (et par la force des choses, sans doute peu convaincante) que le repas est un delice…jusqu'à ce qu’un jeune moine maitrisant parfaitement l’anglais s’asseye a mes cotes pour me lancer un « vraiment pas bon la nourriture ici, hein ? » … Heu ? Ok, j’ai l’air tres con mais tant pis… ;-)
Autour de nous se rassemblent ca et la des bandes de moines pour jouer aux duels philosophiques. Joute verbale qui est une recreation populaire dans les monasteres, et qui consiste (d’apres ce que j’ai pu en comprendre…) a argumenter et contre-argumenter des textes religieux ou principes philosophiques a tour de role jusqu'à ce que la partie adverse ne soit plus capable de defier la logique a l’appui de votre demonstration.
Bref, une matinee merveilleuse au pays de Bouddha qui vous rappelle ce pourquoi vous voyager…
De retour a l’hotel, je rencontre 2 Français, l’un, Hugo, avec un accent du Sud qui chante melodieusement aux oreilles, et dont la copine est recluse depuis 3 jours dans sa chambre terrassee par des diarhees interminables, l’autre, Pascal, une sorte d’alien indescriptible qui arrive tout droit d’Iran et Irak ou il a passe plusieurs mois.
Autant Hugo est une douceur faisant en 10 secondes de chaque nepalais son meilleur pote, autant Pascal est infect, refusant de parler autre chose que la langue de Moliere… mais qui connaît Moliere au Nepal ?... Il a en plus le culot de ridiculiser les Nepalais a l’anglais approximatif, conteste pendant de (trop) longues minutes chaque addition, et n’a qu’une idee fixe en tete : se procurer de la marijuana. Il est tres mal tombe ; a Lumbini, a 9 h du soir on ne trouve plus rien d’ouvert, ni ame qui vive en rue : les Nepalais se retire pour diner en famille.
Avec eux, j’irai voir l’hommage rendu a Chogye Trichen Rinpoche pour son 317ieme jour au Nirvana (pas d’inquietude, je ne le connais pas non plus ! J) : plus de 5000 lampes au beurre allumees autour du temple ou est ne Bouddha, spectacle feerique pour lequel Pascal refusera de payer les 15 roupies (€0.17) officielles, pretextant se trouver en pays hindou et non bouddhiste ! Hugo et moi feignons lachement de ne pas le connaître.. ;-)
Le lendemain de mon introduction aux mantras, je prefere ne pas abuser de l’hospitalite naturelle des moines, et me rends a ce qui est devenu en l’espace de quelques jours ma cantine habituelle : une petite gargote familiale ou la mere de famille cuisine Dhal Bat et delicieux chapati a meme le sol et a meme le feu.
C’est aussi la qu’on s’installe sur de vieux bancs branlants en bois sur lesquels se joignent les vieux sages des environs pour prendre le the et echanger les dernieres nouvelles du village.
C’est aussi la qu’un appareil photo fait encore figure de petite boite a miracle devant laquelle les jeunes s’empressent de poser avec les plus vieux, qui eux, voyant leur portrait sur ecran digital, tentent de dissimuler un sourire emerveille… Apres tout, ils ont leur image de grand sage a entretenir, ce n’est pas a eux qu’on va apprendre quoi que ce soit, n’est-ce-pas ? ;-)
Un moine vient soudainement a ma rencontre, semblant prêt a m’accompagner dans mon aventure dans le « under-cover » Lumbini, explorer au-dela de la rue goudronnee que compte cette petite ville…
Un pas plus loin que la derniere guesthouse en brique, ce sont des chemins et maisons en terre construites a mains nues, surmontees de toits en paille a remplacer chaque annee, ou de toles pour les moins mal lotis.
Autour de moi, les enfants pieds nus virevoltent comme des papillons en riant, mais se muent en veritable essaims d’abeilles des que je sors mon objectif. Ils posent comme des petites stars en se donnant des coups de coude pour etre au premier rang de la posterite.
Le moine qui m’accompagne pose une main affectueuse sur mon epaule et me conduit de maisons en maisons ou l’on se fait offrir chaleureusement hospitalite et the chaud.
Nos hotes successifs se montrent tous aussi timides mais enthousiastes que moi. La douceur et la simplicite des Nepalais est toujours une caresse mielleuse pour le cœur… Lorsqu’on les quitte, c’est bien plus que le the qu’on a partage, mais des petits moments de bonheur inestimables…
Une fois les rangees de maisons en terre franchies, apparaissent les vastes etendues de champs ou s’alternent culture de ble et de riz. Aussi bien les hommes que les femmes ou les enfants fauchent les herbes vigoureusement a l’ancienne, interrompant soudainement leur labeur pour nous saluer de la main et lancer des sourires de bienvenue.
Plus loin encore, une autre rangee de maisons en terre delaissees en journee par les travailleurs, ou seules demeurent les plus vieilles personnes prenant soin des taches menageres et des plus petits. Les maisons n’etant destinees qu’a y dormir (ou plutot s’y entasser la nuit quand on imagine la place laissee pour chacun), les activites quotidiennes se deroulent sur le pas de porte, en concomitance avec ses proches voisins.
Accroupies a terre, des groupes de vieilles dames cousent, d’autres font la vaisselle, non pas avec de l’eau, mais en utilisant la terre comme abrasif ; des gosses couverts par plus de mouches que d’habits les observent sagement ; des filles font leur toilette et la lessive en puisant l’eau aux puits publics. Tout ce petit monde d’abord mefiant, ne me lache plus une fois les Namaste echanges. De tres jeunes filles me tendent fierement leur tout petit bebe pour que je le photographie, puisqu’il est pour sa mere, comme partout ailleurs, le plus beau bebe du monde…
Pendant ce temps, mon acolyte de moine change radicalement d’attitude a mon egard ; ses accolades fraternelles se muent en caresses ambiguës de mes cheveux, puis en incessants effleurements beaucoup moins ambigus de mes fesses, et profite de mes mains occupees a prendre des photos pour me toucher les seins. Je lui lance un regard menacant en lui ordonnant de stopper ca tout de suite, lorsqu’il m’attrape violemment le visage pour m’obliger a l’embrasser, je le repousse tout aussi violemment, bien que trop tard car prise par surprise, et il se fond en excuses, me repetant que tout est ok… (ca depend pour qui !)
Cent metres plus loin, alors que personne n’est visible aux alentours, il me placarde avec force contre un mur et souleve sa toge. J’ai le reflexe salvateur de lui donner un bon coup de genou dissuasif. Heureusement pour moi, ce pervers n’insistera pas davantage physiquement, mais continuera de me suivre un bon moment en me demandant si on peut aller a mon hotel, ou s’allonger dans les champs ( !) avant de disparaître…
Il m’avait dit qu’il repartait le lendemain pour son monstere a Varanasi en Inde, j’espere ne plus avoir a le croiser…
Comme quoi, a ma grande deception, il doit y avoir la meme proportion de connards dans chaque communaute, aussi debonnaire soit-elle…
Une fois remise de mes emotions, une seule idee me poursuit ; s’il a de telles pulsions sexuelles irrepressibles, et ose de tels gestes a mon egard, qu’en est-il des petits moines de son monastere sous son autorite ? Dans l’espoir de le coincer, je montrerai la photo que j’avais prise de lui a plusieurs autres moines de Lumbini, mais personne ne semble le connaître.
La pensee de ne rien avoir pu faire pour empecher ses actes potentiels futurs me hante encore aujourd’hui…
De retour au centre de Lumbini, je me rends, histoire de calmer mes nerfs, dans un Internet cafe. Les connections sont au reflet des structures nepalaises : aleatoires. Quand ce n’est pas l’ordinateur qui rend l’ame entre vos mains, c’est une coupure d’electricte qui paralyse, et la ville, et vos communications par la meme occasion, sans parler du reseau telephonique capricieux duquel Internet depend toujours.
On s’arme de patience, et parfois on essaye de rassurer le gerant qui ne cesse de s’excuser alors que les aleas repetes de la vie courante affectent encore certainement plus lui et son businness que vous-meme…
Le cote positif de tant de difficultes a communiquer avec le monde exterieur, est que cela vous laisse le temps de s’interesser a ce qui se passe directement autour de vous. Ce jour-la, j’avais a ma gauche un jeune moine pubert interrompu dans un chat Internet sulfureux. J’avoue repentante et avec honte que j’ai jete plusieurs regards curieux sur son ecran ou apparaissaient l’image d’une demoiselle a la sensualite non equivoque, et ce qui aurait du etre la photo de notre moine ; un apollon aux biceps sur-testosterones (rien a voir avec la realite !).. Je ne peux m’empecher de sourire interieurement en pensant au quiproquo et supercherie (des 2 cotes ?) que cette conversation represente…
A ma droite, tout frais debarque d’Inde, David, un Costa Ricain de nationalite, mais avec un melange de Perou, d’Angleterre, d’Inde et d’Europe continentale dans les veines… Ingenieur civil de formation, il a quitte son boulot bien remunere chez Black & Decker aux Etats-Unis pour l’Inde ou il travaille benevolement pour 9 mois dans un ONG specialisee dans le micro-credit. Sa copine qui l’avait accompagne n’a jamais reussi a s’adapter a la culture indienne, mettant un terme a leur relation.
Comme le lui avait dit notre Guru nepalais qu’on rencontrera plus tard ; David a le regard et le visage de la compassion. On sympathise tres vite au point de finalement voyager la totalite des quasi 3 semaines qu’il passera au Nepal ensemble…