World Trip # 3: Malawi (Part II)
11 juillet – 18 juillet 2007
J’ai donc quitté Nkhata Bay pour Mzuzu au centre-nord du Malawi où je me trouve toujours actuellement. Je repasserai par Nkhata Bay, c’est certain ! J’ai laissé là-bas quelques personnes que j’ai déjà hâte de revoir.
Parmi elles, Che Billy bien sûr, mais aussi Benji, véritable clown -barman qui chante James Blunt mieux que Blunt lui- même (du moins une version différente) aux cuisinières qui virent du noir ébène au rouge écarlate à chacune de ses prestations improvisées.
Dans sa boutique, on passait des heures entières à écouter et partager de la musique… J’avais pas pris mon ipod pour rien… Winston et ses copains sont imbattables sur le reggae. Ils sont implacables sur Bob Marley, Peter Tosh, Linton Kwesi Johnson, Burning Spear, etc. mais n’ont par contre jamais entendu parler de grands classiques comme les Rolling Stones, Nirvana, les Beatles… Même Madonna semble désormais plus connue pour être venue « acheter » un enfant du pays que pour ses tubes… quels tubes ?… Ce fût d’excellents souvenirs que de leur faire découvrir et apprécier des morceaux de Pink Floyd ou Arcade Fire, en échange de quoi, j’ai découvert quelques très bons chanteurs locaux …
Plus de 150 ans après la christianisation de la région par le Dr. Livingstone, c’est donc au tour de sa Rock’ n Rollisation par Gaele ! ;-)
Windstone, c’est le symbole du « polé polé » (aucune traduction possible à part peut-être relax, relax) à lui tout seul. Un jour, je le croise par hasard en « ville » (c’est à dire sur une des deux routes asphaltées que comptent Nkhata Bay) dans sa grosse bagnole rafistolée, kitée façon locale, avec un immense baffle qui occupe tout l’arrière et crache du bruit plutôt que jouer de la musique.
Je lui demande si je peux rentrer avec lui vers le lodge qui se trouve à 1 km à peine… Et bien, on aura mis l’après-midi entière pour le parcourir ! Il faisait 10 mètres, s’arrêtait, sortait de la voiture , s’asseyait sur les marches d’un commerce quelconque et observait.
Forte de ma patience africaine, je l’imitais sans poser de questions, au bout d’une heure j’ose quand même lui demander « on attend qui ? », « Personne, on regarde les gens vivre », « Euh.. OK… ». Et c’était bien vrai. Assis tous les trois avec Puncque, un autre ami, on attirait des dizaines de passants qui venaient nous saluer « Hey Brothers, Hey Sister, blablabla », avant d’engager des conversations animées en Chichewa et rire avec mes deux acolytes de façon complice. Ca doit certainement faire partie d’une certaine convivialité perdue en Europe…
La rue est bondée de toutes sortes : des Africaines aux habits multicolores portant des bassines remplies de kilos de bricoles sur la tête, un bébé sur le dos, et traînant un gosse dans chaque main, des hommes en costard trois fois trop grands pour eux mais qui prennent des allures de Ministre, beaucoup de 4X4 flambant neuves appartenant aux dizaines de missions humanitaires actives dans la région, des gosses qui jouent au ballon fait de sacs plastiques compressés et liés en boule par une corde, des pêcheurs qui vident leur pirogue de 4 malheureux poissons pour en faire étalage sur de vieilles tables en bois, des grands-mères qui cuisent des épis de maïs au brasero pour les vendre un kwacha, des petites filles qui monnayent des bananes pour pouvoir s’acheter leur cahier scolaire, et enfin beaucoup, beaucoup de poules…
Le kilomètre a donc comporté 5-6 étapes et duré 5 heures, jusqu'à ce qu’il soit finalement l’heure de dîner, et qu’on s’arrête une dernière fois pour partager un plat de sardines avant de parcourir enfin les derniers 200 mètres d’une traite.
Outre Windstone avec qui j’aimais passer du temps, il y avait aussi Special, Prince, Brain ou encore Argent. Et non, ce ne sont pas des noms d’emprunt, c’est simplement que leurs parents ne comprennent bien souvent pas un mot d’anglais et trouvaient sans doute simplement la sonorité sympathique… Vous ne me croirez sûrement pas si je vous dis que j’ai rencontré un Ricky Martin de 3-4 ans et même James Brown en personne !
En règle générale, les gens au Malawi possèdent 2 noms : un nom de baptême anglais et un nom en Chichewa qui veut ordinairement dire quelque chose. Ainsi Edward Puncque (Puncque = l’unique) a entre autres comme sœurs Agnès Thokozani (i.e.: « Be Thankful » car elle a failli mourir à la naissance), Jessica Wanangwa (i.e. : « Peace » car née au moment la chute de la dictature) ou encore la toute dernière Tamaha (i.e. : « We’re finished », la mère devait en avoir marre)… Ca ne s’invente pas ! ;-)
Moi ici, je m’appelle « Djaèli » ou parfois « Djaèla».. pas que cela veuille dire quelque chose, mais mon prénom leur est tout bonnement impossible à prononcer.
A Nkhata Bay, je passais le plus clair de mon temps avec Puncque et ses amis. Puncque, je vous en parlerai vraisemblablement plus tard car il mériterait certainement un chapitre à lui tout seul…
Quelques soirs nous sommes sortis dans la seule boite de nuit locale, le « six-seven-two », qui n’a de boite de nuit que le nom. C’est en réalité un bar on-ne-peut-imaginer-plus-glauque, dont la clientèle est composée à 99% d’hommes ivres dansant corps à corps faute d’éléments féminins. Le volume de la musique est au maximum, et on distingue avec peine les morceaux qui passent tant les « scratches » couvrent le tout. Pour divertir les hommes hétéros qui ne sont pas suffisamment désespérés ou saouls pour danser langoureusement avec leurs comparses masculins, 3-4 télévisons diffusent des vieux films américains de série B (ou de série C si elle existait) sans le son… Je ne sais pas de quand datent ces vieux navets trop vite oubliés ou injustement méconnus, mais ils mériteraient de devenir cultes : on peut y voir Sean Penn imberbe avec une coiffure à faire pâlir de jalousie Dave sortant d’un brushing , ou encore Nicolas Cage avec encore tous ses cheveux.
Les rares filles locales qui fréquentent le bar sont d’après mes amis toutes des prostituées du village avec lesquelles ils ont grandi… Aucun tabou, prostituée ici est un métier comme un autre.. Certains vendent des poissons, d’autres leur corps.
Mon premier soir de baptême au « 6-7-2 » a éclaté une bagarre entre deux d’entre elles pour un client potentiel, elles ont fini par se jeter des bouteilles de bière à la tête, et la police a dû intervenir pour fermer prématurément le bar avant que cela ne dégénère en guerre civile champêtre… dur la vie d’oiseau de nuit au Malawi ! ;-)
Ici, à Mzuzu, on se rend de temps en temps au « Paris », un des deux seuls bars/clubs de la ville. A part la bière qui y est plus chère, aucune différence à signaler… Mêmes films, mêmes prostituées, même ambiance sordide…
A l’entrée, on ne vend pas des hamburgers ou des hot-dogs pour caler les estomacs des buveurs, mais des pattes et têtes de coqs grillées…
A Nkhata Bay, je ne me suis pas mêlée beaucoup aux Mzungus. J’ai seulement noué contact avec deux Norvégiennes qui rentraient au pays, et troquaient l’intégralité de leurs vêtements usés contre des peintures locales et colliers (pas vraiment altruiste, mais futé…), et Yann, un Français travaillant dans l’humanitaire d’urgence à Bujumbura, Burundi avec qui j’ai passé une agréable matinée à philosopher sur l’humanitaire en Afrique autour d’une tasse de café.
Ce matin là, on a d’ailleurs eu droit au spectacle de la semaine : une colonne vaporeuse noire de plusieurs centaines de mètres de hauteur s’élevant au beau milieu du lac. On aurait cru que l’eau prenait feu… Sorcellerie africaine ? c’était en fait des millions ou milliards de mouches qui s’élèvent en colonne, provenant d’on ne sait où, pour aller on ne sait où.
Captain Billy a déjà semble t-il conduit plusieurs expéditions scientifiques tentant de déceler le mystère de ce phénomène, mais cela reste encore aujourd’hui le secret du lac…
Tout ce qu’on sait au Malawi, c’est que ces mouches sont les meilleures à manger.. Ainsi quand apparaît la colonne, les piroguiers se ruent sur elle armés de filets… Une bonne boulette de mouches est un vrai délice… paraît-il…
Un dernier petit mot sur la nourriture pour conclure ce chapitre: du poulet, du poulet et encore du poulet ! Et du nsima, matin, midi et soir. Le nsima, c’est la nourriture de base au Malawi, de la farine de mais bouillie pour en faire une sorte de porridge compact et sans saveur avec lequel on forme avec ses doigts des boules à tremper dans la sauce qui accompagne.
Règle de base quand on commande à manger : ne jamais se fier au menu mais demander d’abord ce qu’il y a de disponible. Ca évite de commander un plat et se faire dire, pas moins d’une demi heure plus tard, que les ingrédients ne sont plus en stock, commander un autre plat, et une autre demi heure plus tard, même chose… Ca peut durer très longtemps ! ;-)
Enfin, ne pas s’attendre à ce que ce qu’on commande corresponde nécessairement à ce qu’on reçoit dans l’assiette... A Nkhata Bay, le resto annonçait tous les jours fièrement son « Today’s Special » variant entre Lemon Chicken, Beef Curry, Spanish Omelette, etc, et pourtant invariablement dans mon assiette la même maigre cuisse de poulet mijotée avec des tomates et haricots.. et du nsima. Par contre, à Mzuzu, c’est le contraire : je vais tous les soirs au même snack-resto, imbattable point de vue rapport qualité prix (plats entre 1 et 2 euros, le large sourire du patron en prime), et malgré ma commande quotidienne identique de Chicken Curry, c’est plutôt le Malawian Chicken’s Surprise.. Selon les jours, poulet rôti, poulet frit, poulet oignons…
Sur les marchés, on mange des frites cuites dans une huile sans doute vieille de plusieurs années et chauffée au brasero, accompagnées au choix de pattes de coq ou intestins de bœuf. Je ne me sens pour ainsi dire pas encore tout à fait prête pour ça…
Téméraire, j’ai déjà essayé ce que j’ai cru comprendre être des rates de poulet grillées… et bien, euh, honnêtement ? Bof ! ;-)